Le bio est partout dans
notre quotidien: nourriture, vêtements, cosmétiques… En serait-il de même
pour les biomédicaments, porteurs d’espoir pour traiter de nombreuses
pathologies?
Dans
biomédicament, il y a “bio”, donc vie, vivant. Et pour cause, c’est du vivant
que vient cette classe de médicaments. On ne sait pas les fabriquer sans faire
intervenir des cellules, à l’inverse des molécules que l’on synthétise par la
chimie, comme le paracétamol par exemple. Une molécule de paracétamol sera
parfaitement identique à une autre. C’est facile à fabriquer, à analyser et à
recopier. Une copie de paracétamol s’appelle un générique.
Les anticorps comme
exemples de biomédicaments
Les anticorps sont de grosses molécules, des protéines du système
immunitaire qui reconnaissent une cible et une seule: ce peut être un
bout de bactérie ou une protéine de cellule malade par exemple. Si leur
utilisation initiale était très tournée vers la cancérologie au sens large, ils
servent désormais à traiter aussi bien des migraines sévères, des allergies
graves, que l’hémophilie ou des hypercholestérolémies familiales. Les anticorps
thérapeutiques sont donc des protéines dont la structure a été modifiée pour atteindre
une cible, impliquée dans une maladie. De quelle structure parle-t-on, et que
sont les protéines? Imaginons-les comme des colliers avec des petites
perles plastiques sur lesquelles il y aurait des lettres. Chaque perle
s’appelle un acide aminé. Et chaque acide aminé peut se représenter par une
lettre. Sauf que dans l’alphabet des acides aminés, il n’y a qu’une vingtaine
de lettres. Dans cet exemple, un anticorps serait formé de quatre colliers de
perles identiques deux à deux. Deux grands de 450 perles, et deux petits de 250
chacun. Jolis colliersimpossibles à recopier en enfilant des perles au
hasard. Il faut faire intervenir un être vivant pour les fabriquer, et
l’analyse de la copie du collier de perles par rapport au modèle va aussi prendre
du temps.
Eh bien, un biomédicament, c’est cela: une molécule -souvent de
grande taille- complexe, dont la synthèse et l’analyse nécessitent des moyens
particuliers par comparaison aux petites molécules issues de la chimie. En
plus, deux anticorps du même médicament ne sont pas tout à fait identiques.
Comme dans un jeu des 7 différences, de subtiles variations regroupées sous les
termes de macro et micro-hétérogénéité viennent compléter ce casse-tête. Mais
si au sein du même médicament toutes les molécules ne sont pas identiques,
comment fait-on pour comparer deux flacons contenant chacun des milliards de
copies? Comment peut-on envisager un générique, qui est censé être une copie
conforme ?
La difficulté de
comparer deux flacons de biomédicament
On ne peut faire qu’une réponse de Normand: ça dépend. Ou plutôt, ce
n’est pas facile. Et c’est la raison pour laquelle ces médicaments si
particuliers coûtent cher. Leur contrôle est très encadré et réglementé. La
norme «ICH Q6B» décrit précisément les procédures et impose
d’innombrables tests à tous les niveaux : contrôle du nombre de perles de ces
««colliers» d’acides aminés, vérification des
«lettres» de chaque perle, quantification des différences entre les
colliers, oubli d’une perle au début ou à la fin, etc. 70 % des ressources de
la production de ces biomédicaments sont allouées à leur caractérisation. La
limite étant la performance des instruments de mesure.
Une longue histoire
Cela n’a pas toujours fonctionné comme cela. Il y a cent ans, les
biomédicaments existaient déjà (voir
image de couverture) même s’ils ne s’appelaient pas ainsi. Leur pureté et
leur composition étaient sinon aléatoires, du moins très mal maîtrisées.
Forcément, puisque leur structure fine était totalement inconnue. Aujourd’hui,
si la législation exige beaucoup de contrôles, c’est parce que les instruments
d’analyse ont énormément évolué, et avec eux notre compréhension des subtilités
qui peuvent exister entre deux protéines ainsi que l’impact de petites
différences entre elles sur l’efficacité et la sûreté du médicament pour le
patient.
Exit les génériques
Si les molécules de principe actif, autrement dit pour notre exemple, les
anticorps, ne sont pas identiques deux à deux, impossible d’appeler cela un
générique. Ils se ressemblent beaucoup, ils sont très similaires, ce qui a valu
le nom de «biosimilaires» aux copies de biomédicaments. La
prescription d’un biosimilaire autrement dit d’une copie de biomédicament à la
place du biomédicament princeps (l’original en quelque sorte), suit d’ailleurs
des règles différentes que celles qui s’appliquent aux génériques dans le code
de la santé publique.
L’ARN messager, un
nouvel espoir
La pandémie a ouvert de nouvelles perspectives pour les biomédicaments.
En démontrant qu’il était possible de s’affranchir de fabriquer la protéine
thérapeutique et donc d’avoir à la caractériser, elle rend imaginable un
traitement où seule l’information codant pour la protéine, l’ARN messager, de
fabrication beaucoup plus simple, pourrait être administrée au patient. Cela
permettrait notamment de réduire les coûts de traitement et donc de
démocratiser cette classe de médicaments. Un réel espoir face à de nombreuses
maladies dégénératives et cancers, mais aussi pour la médecine personnalisée et
le diagnostic.
Sources :
1. Q 6 B Specifications: Test Procedures
and Acceptance Criteria for Biotechnological/Biological Products. 17 (2006).
2. Aubert, N. et al. History,
extensive characterization and challenge of anti-tetanus serum from World War
I: exciting remnants and deceived hopes : Centenarian IgGs lost their
neutralization capacity. Immunol. Res. 68, 7–12 (2020).
3. Anticorps et Biomédicaments. Ep.2 Un
biosimilaire n’est pas un générique! - You look a lot like me. (2020).
-Les biomédicaments
ne sont pas des médicaments "bio"
-Les
biomédicaments sont produits par des cellules vivantes
-En
raison de leur complexité, les biomédicaments ne peuvent pas être génériqués
-La
copie d'un biomédicament s'appelle un biosimilaire
-Un
biosimilaire n'est pas un générique
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