Les tardigrades et leurs aventures dans l’espace

Les tardigrades et leurs aventures dans l’espace

Dans le langage courant, ils sont connus sous le terme des ours d’eau. Découverts il y a plus de 230 ans, on en connaît plus de 700 espèces vivant sur Terre, en eau douce et en mer.


Les tardigrades se situent entre les arthropodes (pattes articulées) et les nématodes (appelés aussi les vers ronds) dans la phylogénie (étude des liens entre espèces apparentées), et appartiennent au supertype des Articulata. Ils mesurent entre 0,2 et 0,5 mm de long. Le premier segment (partie) de son corps contient la tête, quant aux quatre suivants, on y trouve une paire de pattes, chacune se terminant par des griffes. Ils possèdent une peau appelée cuticule, commune aux insectes, qui chez eux est flexible, lisse ou recouverte d’épines ou de plaques. Ils possèdent un système nerveux bien développé, des organes sensoriels et des yeux.

Photographie d’un tardigrade transparent (Source : https://www.science-et-vie.com/nature-et-enviro/tardigrade-on-a-peut-etre-perce-le-secret-de-son-incroyable-resistance-56059)



Schéma de l’anatomie d’un tardigrade


Durant leur croissance ces spécimens muent. On en retrouve certains transparents.


Photographie de tardigrade transparent (à gauche) et opaque (à droite), (Sources : https://www.smithsonianmag.com/science-nature/water-bears-tardigrades-master-dna-thieves-animal-world-180957371/ et https://mymicroscopicworld.com/how-to-find-tardigrades-the-easy-way)



Ces ours aquatiques peuvent également être, en fonction de l’espèce, hermaphrodite avec une différence mâle femelle ou non. Concernant leur reproduction, elle peut s’opérer en interne (rencontre des cellules sexuelles dans un tardigrade) ou être externe (rencontre des cellules sexuelles dans l’environnement). Tous les tardigrades sont aquatiques et ont besoin d’eau pour se nourrir, bouger et se reproduire. Il s’agit d’un groupe d’espèces répandu que l’on peut retrouver sur tous les continents.


Les raisons pour lesquelles les tardigrades intéressent tant les scientifiques sont en partie liées à leur aptitude à la survie dans des conditions environnementales extrêmes : ils peuvent supporter le manque d’oxygène (anoxybiose) ; les inondations, pour cela il se gonfle tel un ballon; de très faibles températures allant jusqu’à -272,95 °C et survivre pendant 20 heures et -200 °C pendant 2 mois ; un excès de sel (osmobiose), la sécheresse (cryobiose) en se desséchant et en se réhydratant une fois l’humidité revenue. Cette mise en suspens de leur métabolisme est appelée cryptobiose. Ces êtres vivants sont anhydrobiotiques (capables de maintenir leurs cellules dans des conditions sèches). Lors de ce mécanisme, les tardigrades vont rétracter leur tête et leurs huit pattes pour se transformer en une minuscule boule.

Photographie en microscopie avec reconstitution des couleurs d’un tardigrade en cryptobiose. (Source : https://dinoanimals.com/animals/tardigrades-indestructible-animals/)


D’après des études, certains auraient survécu dans cet état durant plus de 100 ans. Les tardigrades tolèrent également de très fortes pressions allant jusqu’à 1000 atmosphères (il s’agit d’une unité de mesure de pression). Dans cet état cryptobiotique, les tardigrades sont aussi résistants à des gaz toxiques (dioxyde de carbone, sulfure d’hydrogène), aux ultraviolets et aux rayons X.


C’est donc pour toutes ces raisons que les tardigrades se sont retrouvés être des candidats idéals pour une aventure dans l’espace pour la première fois en 2007. Résistance au vide spatial et sa pression, au rayonnement ionisant du soleil et aux températures extrêmement faibles. 


Jusqu’à aujourd’hui, plusieurs missions ont eu lieu. La première, en 2007, est FOTON-M3 avec le projet TARSE (La Résistance des tardigrades aux effets de l’Espace). Ce projet a pour but d’analyser les impacts du stress en étudiant les réactions biologiques et les dommages causés à l’ADN dans l’espace.

Autre projet de la mission FOTON-M3, TARDIS (Les Tardigrades dans l’Espace). Celui-ci a permis de vérifier si deux espèces de tardigrades, Milnesium tardigradum(Doylère 1840)

Photographie en microscopie électronique d’un tardigrade de l’espèce Milnesium tardigradum (Doylère 1840) (Source : https://doi.org/10.1371/journal.pone.0045682)


et Richtersius coronifer(Richters 1903) étaient capables de survivre dans le vide de l’espace.


Photographie en microscopie électronique d’un tardigrade de l’espèce Richtersius coronifer (Richters 1903) en vue de profil (gauche) et dorsal (droite) (Source : https://doi.org/10.1371/journal.pone.0085091)


Dans la même mission, s’en est suivi le projet RoTaRad (Rotifère, Tardigrades et Radiation) afin d’étudier leur survie et la fécondité lors d’une longue période de stress extrême.


En 2011, la mission Endeavour voit le jour avec le projet TARDIKISS, qui permet d’élargir les connaissances sur l’histoire de la vie et les mécanismes de réparation de l’ADN lors de l’exposition aux contraintes des vols spatiaux.



La dernière mission remonte à 2012, avec Phobos, et le projet Phobos Life Project qui consistait à observer comment un organisme vivant pouvait survivre aux vols spatiaux durant 34 mois. Malheureusement cette mission a été avortée suite au crash du vaisseau qui a chuté et brûlé au-dessus de l’océan Pacifique Sud le 15 janvier 2012.


Malgré cette défaite, les tardigrades ont un avenir radieux devant eux en tant qu’aventuriers de l’espace. Il est prévu, en effet, dans l’avenir, d’étudier leur capacité à survivre dans l’atmosphère stimulée par certains corps célestes du système solaire (météorite, satellite tel que Titan, ou d’autres planètes). De futures études sont également envisagées afin de savoir s’ils seraient capables de survivre sur d’autres planètes ou satellites de planètes de notre système solaire. Et enfin, dans un autre domaine d’expertise, les tardigrades sont également étudiés dans le cadre de la recherche sur le cancer afin de mieux étudier mécanismes qui permettent de garder une stabilité de nos gènes, et ainsi empêcher les mutations génétiques à l’origine de certains cancers.


Pour des informations complémentaires sur l’observation des tardigrades dans notre environnement voici une vidéo du docteur Nozman :




Sources :

1.Goldstein, B. & Blaxter, M. Tardigrades. Curr. Biol. 12, R475 (2002).


2.Jönsson, K. I. Tardigrades as a potential model organism in space research. Astrobiology 7, 757–766 (2007).


3.Jönsson, K. I. Radiation Tolerance in Tardigrades: Current Knowledge and Potential Applications in Medicine. Cancers (Basel) 11, (2019).


4.Jönsson, K. I., Holm, I. & Tassidis, H. Cell Biology of the Tardigrades: Current Knowledge and Perspectives. Results Probl Cell Differ 68, 231–249 (2019).


5.Jönsson, K. I., Rabbow, E., Schill, R. O., Harms-Ringdahl, M. & Rettberg, P. Tardigrades survive exposure to space in low Earth orbit. Current Biology 18, R729–R731 (2008).


6.McInnes, S. J. Zoogeographic distribution of terrestrial/freshwater tardigrades from current literature. Journal of Natural History 28, 257–352 (1994).


7.Weronika, E. & Łukasz, K. Tardigrades in Space Research - Past and Future. Orig Life Evol Biosph 47, 545–553 (2017).


8.Kansas School Naturalist - Vol 43, No 3 - Tardigrades: Bears of the Moss.


9.https://sites.google.com/g.emporia.edu/ksn/ksn-home/vol-43-no-3-tardigrades-bears-of-the-moss.


10.https://thebiologist.rsb.org.uk/biologist/158-biologist/features/1897-tardigrades-in-space.


11. https://www.bbc.com/news/newsbeat-49265125.

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24 octobre 2020
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