L’image qui nous
vient à l’esprit lorsqu’on évoque la vaccination est Louis Pasteur et son
vaccin contre la rage. Pourtant, déjà au XVIIe siècle, les élites mandchoues en
Chine faisaient de la variolisation en s’inoculant dans le nez du pus de
malades atteints de la variole. Cette technique était peu répandue dans le
reste de la Chine et pas du tout dans le monde. C’est un médecin anglais,
Edward Jenner qui, au XVIIIe siècle, va répandre cette méthode en Europe. En
effet, il a découvert que les fermiers présentaient des symptômes atténués de
la variole. Les vaches, vacca en latin, sont atteintes de la variole des
vaches, et lors de la traite, les fermiers sont exposés à la maladie qui se
traduit simplement sous la forme de quelques boutons. Jenner prend le pari
d’inoculer à un enfant du pus provenant d’un bouton d’une fermière et, trois
mois plus tard, il injecte le virus de la variole -la vaccine- à son sujet.
L’enfant ne présente aucun symptôme: il a été vacciné. A ce jour, de
nombreuses méthodes de vaccination ont été développées et la vaccination
présente un intérêt de santé publique majeur.
La vaccination, un acte altruiste
La
vaccination est définie par l’Organisation Mondiale de la Santé comme étant «une
préparation administrée pour provoquer l’immunité contre une maladie en
stimulant la production d’anticorps ». L’objectif est de protéger un individu
contre une maladie en activant son système immunitaire sans déclencher de
symptômes trop importants. Pourtant, la vaccination n’est pas seulement une
protection individuelle, c’est également une protection collective. Il faut
visualiser le vaccin comme un gilet pare-balles et l’infection comme un
projectile. Si plusieurs personnes portent un gilet pare-balles, une barrière
se met en place semblable à une muraille, et cela permet d’assurer la
protection de personnes vulnérables non vaccinées. C’est ce que l’on appelle l’immunité
de groupe.

Figure
1: Schéma explicatif de l’immunité de groupe (Source: Herd Immunity
- National Health Institute.)
L’immunité
de groupe est dépendante de la couverture vaccinale qui équivaut à la
proportion de personnes vaccinées à un moment donné. Cependant, le pourcentage
de personnes qui doivent posséder des anticorps pour parvenir à l’immunité
collective contre une maladie donnée dépend de chaque maladie. Par exemple, les
oreillons est une maladie pour laquelle la couverture vaccinale est de 90% et
le seuil d’immunité de groupe est de 87%. Par conséquent la maladie a quasiment
disparu du territoire. A l’inverse, pour la rougeole qui est extrêmement
contagieuse, le seuil d’immunité est de 95% alors que la couverture vaccinale
n’est que de 90%. Autrement dit, pour que l’immunité de groupe soit efficace il
faut que 95% de la population ait des anticorps. Or seulement 90% des individus
sont vaccinés. Ainsi, la muraille formée par les personnes vaccinées présente des
failles. C’est pourquoi, entre 2008 et 2012, l’épidémie de rougeole a flambé en
France. Conséquence: les personnes non vaccinées ont été frappées par les
balles perdues. En comparaison, le seuil d’immunité de groupe à atteindre pour
que la population soit protégée de la maladie de Covid-19 est de 50% à 60%. Si
on parle en termes de R0, c’est-à-dire le nombre de personnes infectées par une
seule personne porteuse du virus dans une population non immunisée (les cercles
rouges dans la figure1), la maladie du Covid-19 est entre 2 et 3 alors que le
R0 de la rougeole est compris entre 12 et 18. Une stratégie vaccinale bien
appliquée peut permettre l’éradication d’une maladie et cela a été prouvé avec
la stratégie de vaccination mondiale contre la maladie de la variole qui a pu
être éradiquée en 1980.

Figure
2: Évolution potentielle d’un programme de vaccination (Source:
https://vaccinclic.com/index.php/100-la-vaccination/55-epidemiologie-vaccinale)
Les différents types de vaccins
Il
existe deux grands axes de vaccination: les vaccins les plus courants à
but préventif et les vaccins thérapeutiques. Les vaccins à but préventif sont
les vaccins dont on parle le plus souvent et qui ont pour objectif de
déclencher une réaction immunitaire afin de mettre en place une mémoire
cellulaire pour éviter une réinfection par un pathogène. Les vaccins
thérapeutiques n’agissent pas contre une infection, mais contre une maladie telle
que le cancer par exemple. On distingue différentes familles de vaccins. Les
vaccins vivants atténués sont des agents pathogènes vivants mais dont la
virulence, c’est-à-dire la capacité du germe à se développer et à produire des
toxines, est diminuée et atténuée. C’est l’équivalent d’un projectile de
pistolet à bille en plastique. Quand on se fait toucher, on ressent une légère
douleur et on aura peut-être un bleu, mais rien de grave comparé à une blessure
par balle réelle. Les vaccins inactivés contiennent des pathogènes qui
ont été tués par la chaleur ou des procédés chimiques. Ici, le projectile peut
être assimilé à une balle en mousse inoffensive. Les vaccins sous-unitaires
sont des fragments du pathogène qui ont été isolés. On injectera par exemple
des toxines d’origine bactérienne. Dans ce cas, on a entre nos main un fragment
de balle et on va pouvoir faire de la balistique pour mettre en place une
protection contre le pathogène. Enfin, il existe des vaccins génétiquement
modifiés, comme les vaccins à ARN, où un antigène du pathogène va être
exprimé en se faisant produire par nos propres cellules. Dans ce cas, notre
organisme va lui-même manufacturer le projectile pour pouvoir l’analyser et
l’étudier afin de créer un gilet pare-balles adapté.

Figure 3: Les différents types de vaccins
(Source: Adapté de Nature Materials, 19, 810-812, 2020)

Figure
4: Fonctionnement d’un vaccin à ADN ou à ARN (Source: https://www.scienceaujourlejour.fr/pages/coronavirus-de-wuhan/la-course-aux-vaccins.html)
Un
autre point important à souligner est l’utilisation des adjuvants. Ils sont
utilisés dans les vaccins classiques pour augmenter la réponse immunitaire et
la mémoire cellulaire. Elle permet d’assurer une efficacité dans le cas des
vaccins les moins immunogènes tels que les vaccins sous-unitaires. Ces derniers,
peu immunogènes sont utilisés par exemple chez les personnes d’un certain âge
et chez les personnes qui ont un système immunitaire défaillant. Ces sujets à
risque ne peuvent pas être mis au contact d’un vaccin fortement immunogène, à
base de virus atténué par exemple, pour ne pas risquer d’infection incontrôlée.
Pour pallier le caractère peu immunogène du vaccin, on ajoute un adjuvant qui
va renforcer la réponse inflammatoire.
La
vaccination est une découverte majeure en médecine qui a permis d’éradiquer de nombreuses maladies. Son intérêt réside au niveau de l’individu
mais également de la communauté. Malgré les progrès effectués dans ce domaine, nombreux
sont ceux encore réticents à la vaccination. Pourtant, elle reste la solution
la plus adaptée pour contrer les épidémies. C’est actuellement le cas avec la crise
liée au coronavirus. Les avancées technologiques permettent des innovations
dans la création des vaccins et notamment avec les vaccins à ARN. De nombreuses
entreprises biotechnologiques se tournent vers ce type de vaccins, car ils permettent
d’éviter l’injection directe d’agent infectieux, contrairement aux vaccins
classiques, et leur coût de production est faible. De plus, contrairement au
vaccin à ADN, nous n’aurons pas le risque de créer des mutations en intégrant
l’information vaccinale. Le problème majeur de ce vaccin est que l’ARN est très
fragile car il est naturellement la cible d’enzymes de dégradation (voir
l’article Tatiana Grouin). Il doit donc être encapsulé pour pouvoir être délivré
et doit être également conservé à très basse température. Malgré ces
impératifs, les vaccins à ARN sont très prometteurs et ils sont également en
cours d’approbation pour d’autres virus, notamment pour le virus Zika.
Article rédigé par Anne
Clerico
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10. https://www.santepubliquefrance.fr/determinants-de-sante/vaccination/donnees/#tabs.
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12. https://www.who.int/topics/vaccines/fr/.
13. https://www.franceinter.fr/societe/le-mot-vaccin.
14. http://euradio.fr/2020/07/09/les-epidemies-de-variole-en-chine-du-xviieme-au-xxeme-siecles/.
15. https://www.pasteur.fr/fr/institut-pasteur/notre-histoire.
16. Herd
Immunity - National Health Institute.
17. https://www.scienceaujourlejour.fr/pages/coronavirus-de-wuhan/la-course-aux-vaccins.html
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