Dépression et inflammation, les deux faces d’une même pièce

Dépression et inflammation, les deux faces d’une même pièce

De plus en plus de preuves se sont accumulées au cours des deux dernières décennies, indiquant qu’un stress intense augmente le risque de troubles physiques et psychiatriques. Les troubles psychiatriques tels que la dépression sont les maladies les plus courantes liées au stress. Or, le stress et l’inflammation sont liés.




Les événements stressants activent un axe dans le cerveau et le corps (axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien), ce qui cause des dérèglements chimiques et hormonaux. Un déséquilibre de cet axe et du système nerveux sympathique (qui, entre autres, augmente la fréquence cardiaque et la fréquence respiratoire) diminue l’efficacité du système immunitaire et produit des molécules causant une inflammation. 


Stress et inflammation, un mécanisme complexe

L’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien et le stress (Source : https://lecerveau.mcgill.ca)


La glande hypophyse produit l’ACTH ou hormone adrénocorticotrope, qui stimule les glandes surrénales pour sécréter l’hormone du stress, le cortisol. Le cortisol, un glucocorticoïde, agit à son tour sur l’hypophyse pour diminuer la sécrétion d’ACTH. Mais il agit aussi sur le système immunitaire pour diminuer la production de molécules inflammatoires et augmenter celle de molécules anti-inflammatoires. Un stress excessif sur-stimule ce mécanisme et le système immunitaire, conduisant à la production de molécules inflammatoires, y compris dans le cerveau. Le stress est un facteur de risque commun à plus de 75 % des maladies physiques et mentales, dont la dépression, augmentant la morbidité et la mortalité de ces maladies. 



L’inflammation en question

Traditionnellement, l’inflammation est considérée comme une réponse essentielle aux lésions tissulaires ou à une invasion microbienne afin de protéger l’équilibre du corps. Mais l'inflammation chronique est un élément crucial des maladies chroniques, y compris la dépression. Des études à la fois expérimentales et cliniques ont démontré qu'une augmentation des niveaux de molécules pro-inflammatoires, par exemple certaines cytokines, et des hormones du stress, telles que les glucocorticoïdes, comme le cortisol, contribuent considérablement aux altérations comportementales associées avec la dépression.  Il n’est pas encore certain que ce soit l’inflammation qui cause des symptômes dépressifs ou les troubles dépressifs qui causent une inflammation. L’ordre d’apparition peut toutefois être plus clair lorsque la dépression apparaît dans un contexte de maladie infectieuse, inflammatoire ou auto-immune. Cependant, certaines études relient le stress et ses effets sur le microbiote intestinal aux interactions de ce dernier sur le cerveau et la dépression (voir article « La dépression, une maladie intestinale ? »). En outre, une dépression majeure peut être associée à un système immunitaire activé, alors que les antidépresseurs peuvent diminuer l’activation du système immunitaire.



Les antidépresseurs comme modulateurs de l’inflammation

Il existe plusieurs types d’antidépresseurs. Chacun agit différemment sur le système immunitaire et l’inflammation. Certains diminuent le taux de différentes molécules pro-inflammatoires dans le sang et augmentent le taux de molécules anti-inflammatoires. D’autres agissent dans les cellules du cerveau en empêchant la production de cytokines causant l’inflammation. Des études ont démontré que les marqueurs de l’immunité pouvaient servir de prédiction à l’efficacité des médicaments. Des antidépresseurs comme la Venlafaxine ont de plus grands effets anti-inflammatoires que les autres médicaments de sa classe. De façon surprenante, la psychothérapie a un effet modulateur comparable aux antidépresseurs, tout comme l’électro-convulsivothérapie (le passage d’un faible courant dans le cerveau d’un patient sous anesthésie générale). Mais d’autres voies ne faisant pas appel aux médicaments sont possibles. Par ailleurs, les acides gras oméga-3 peuvent potentiellement traiter l’inflammation liée à la dépression. L’exercice physique est conseillé aux patients dépressifs car il améliore les symptômes. De récentes études montrent que ce serait par des actions anti-inflammatoires. 



De nouveaux traitements anti-dépresseurs à l’étude

Dans le monde, les antidépresseurs sont une classe de médicaments très consommée. Pourtant, des alternatives peuvent exister pour des troubles dépressifs peu importants ou pour prévenir ceux-ci : la psychothérapie, le sport, la méditation en pleine conscience, certains compléments comme la vitamine D ou encore la luminothérapie.

Les plus gros consommateurs d’antidépresseurs dans le monde. (Source : www.statista.com)


Selon le Haut Conseil de la famille, de l’enfant et de l’âge, dans son rapport du 7 mars 2023, le nombre de personnes dépressives a doublé en 2020 et représentent encore 17,7% de la population française, les troubles anxieux touchant 24,1% de personnes. Le plus alarmant est qu’un jeune de moins de 19 ans sur quatre déclare être malheureux et qu’aucun médicament n’est adapté au jeune âge. Les autorisations de mise sur le marché concernant les adultes, et ceux-ci étant près de la moitié à peu ou pas réagir à leur traitement, il est indispensable de trouver de nouvelles solutions.

D'un point de vue clinique, le traitement anti-inflammatoire doit cibler des cellules et des voies spécifiques du cerveau qui sont cruciales dans la pathogenèse de la dépression. Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour contribuer au développement de nouvelles thérapies pour les maladies liées au stress, en particulier la dépression. Des pistes sont étudiées, notamment des molécules, enzymes ou autres extraits de plantes, agissant contre les effets cellulaires du stress et de l’inflammation. Une voie est peut-être ouverte vers de nouvelles classes d’antidépresseurs…



Sources :

  1. Amick Halle R et al. Comparative benefits and harms of second generation antidepressants and cognitive behavioral therapies in initial treatment of major depressive disorder: systematic review and meta-analysis. The BMJ. 2015.
  2. Bertonne-Johnson Elizabeth R et al. Vitamin D intake from foods and supplements and depressive symptoms in a diverse population of older women. Nutrition. 2017.
  3. Gollo Bertollo Amanda et al. Hydroalcoholic Extract of Centella asiatica and Madecassic Acid Reverse Depressive-Like Behaviors, Inflammation and Oxidative Stress in Adult Rats Submitted to Stress in Early Life. Molecular Neurobiology. 2024.
  4. Haut Conseil de la famille, de l’enfant et de l’âge. Quand les enfants vont mal : comment les aider ? Rapport du 7 mars 2023. https://www.hcfea.fr/IMG/pdf/hcfea_sme_rapport_13032023.pdf.
  5. Il-Bin Kim et al. The Relationship between Stress, Inflammation, and Depression. Biomedicines. 2022.
  6. Kuyken Willem et al. Effectiveness and cost-effectiveness of mindfulness-based cognitive therapy compared with maintenance antidepressant treatment in the prevention of depressive relapse or recurrence (PREVENT): a randomised controlled trial. The Lancet. 2015.
  7. Mammen George et al. Physical Activity and the Prevention of Depression: A Systematic Review of Prospective Studies. American Journal of Preventive Medicine. 2013.
  8. Eva M Medina-Rodriguez et al. Stress, inflammation, microbiome and depression. Pharmacology Biochemistry and Behavior. 2023.
  9. Moreira Alves da Silva Daniel et al. Cyclooxygenase-2 inhibitors alleviated depressive and anxious-like behaviors in mice exposed to lipopolysaccharide: Involvement of oxidative stress and neuroinflammation. Pharmacology Biochemistry and Behavior. 2024



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12 juin 2024
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