Maladie d’Alzheimer, l’oubli pour seul horizon

Maladie d’Alzheimer, l’oubli pour seul horizon

Mieux diagnostiquée, cette maladie neurodégénérative incurable touche de plus en plus de personnes, car notre espérance de vie a augmenté. Cependant quelques lueurs d’espoir se profilent à l’horizon.

 

« Mais qu'est-ce que vous faites là ? Qui vous a fait entrer ?

Allez-vous-en d'chez moi, partez monsieur, partez

J'vais l'dire à mes parents, ah ça vous allez voir

Et qui sont tous ces gens qu'est-ce que c'est que ce bazar ?»

Les paroles de la chanson La Ritournelle de Barbara Pravi évoquent avec sensibilité sa grand-mère atteinte de la maladie d’Alzheimer, une affection qui évolue à bas bruit sur des dizaines d’années.



« Mais qui êtes-vous ? »

Cette maladie neurodégénérative entraîne une dégradation progressive du système nerveux central et ainsi un déclin des capacités cognitives de la personne malade. Environ 10 % des personnes de 65 ans et 15 % des plus de 80 ans sont atteintes par cette maladie. Il s’agit de la démence sénile la plus répandue dans le monde. Les chiffres augmentent d’année en année. Cela s’explique non seulement par l’amélioration du diagnostic, mais aussi par le fait que nous vivons plus longtemps.

Les pertes de mémoire sont bien connues de cette démence. Elles sont progressivement irréversibles et impactent très fortement le quotidien. Peu à peu le malade ne se souvient plus d’éléments simples de sa vie, comme l’identité de ses proches ou les confond. Une perte de repères spatio-temporels ainsi que des troubles des fonctions exécutives (l’organisation du mouvement par la pensée et son exécution) s’installent également en plus de ces troubles de la mémoire. Dans les cas les plus graves, il y a une évolution vers des incapacités à exécuter des tâches simples et des perturbations de la parole. Une agressivité associée à une anxiété s’ajoutent à ce tableau déjà très lourd.

Les patients ont besoin d’un accompagnement rapproché du corps médical, mais aussi de leurs proches, ce qui peut devenir difficile à porter pour une famille. Bien que tous les patients ne se dégradent pas aussi gravement, ces éléments font de la maladie d’Alzheimer une problématique complexe qui doit être prise très au sérieux.



Comment ça marche ?

Ce n’est que dans les années 1960 que cette démence est considérée à part entière comme une maladie et non plus comme une conséquence normale du vieillissement. Il faudra attendre les années 1980 pour commencer à comprendre les mécanismes responsables de cette affection. Au début, on observe des dépôts qualifiés d’amyloïdes, qui se constituent au fil des années sur les cellules nerveuses, car ils sont constitués de peptides de la protéine β-amyloïde. Sans gravité au départ, leur accumulation progressive et durant plusieurs dizaines d’années conduit à la formation de plaques, appelées plaques séniles, qui vont déstabiliser la structure des neurones en provoquant une réaction de phosphorylation aberrante d’une autre protéine du cerveau, la protéine tau (la maladie d’Alzheimer est classée dans les tauopathies) Cela conduit à des dégénérescences neurofibrillaires et provoque les premiers symptômes de la maladie.

Il est important de distinguer deux formes de maladie : une forme héréditaire qui représente une faible proportion de malades (entre 1 et 5 %) et qui concerne principalement des personnes de moins de 65 ans. Des anomalies génétiques ont été mises en évidence sur trois gènes différents en fonction des malades : APP, PSEN1 et PSEN2. Ces anomalies conduisent à chaque fois à une accumulation de peptides β-amyloïde. Selon le gène muté et le type de mutation, les malades expriment les symptômes différemment, mais cela conduit à la même maladie. La seconde forme est non-familiale et dépend d’une panoplie de facteurs de risque.



Toute une vie qui mène à la maladie

Les facteurs de risques d’apparition de la démence d’Alzheimer avancés par les études sont multiples et très variés. Certaines n’en recensent pas moins de 40 ! Le diabète, l’hyperlipidémie ou l’hypertension artérielle sont des affections qui accroissent le risque de développer la maladie, alors que la stimulation intellectuelle est plutôt protectrice et retarde l’apparition des symptômes grâce au phénomène de plasticité cérébrale. Cependant il y a un « mais ». Rappelons que le développement de la maladie d’Alzheimer se fait sur des dizaines d’années. Voyez-vous la problématique de ce développement ? La difficulté à établir une liste fiable des facteurs de risque est presque inévitable. En effet, lorsqu'une étude se base sur des données recueillies auprès de personnes malades à différents stades, comment savoir si ces facteurs sont les causes ou les conséquences de la maladie ? De plus en plus d’études tentent d’inclure des témoins et analysent le délai d’apparition de la démence par rapport à l’observation du facteur étudié. Si le diagnostic est posé moins de 10 ans plus tard, il y a une forte possibilité que ce ne soit en réalité une conséquence de la maladie. Alors que si le délai est de plus de 20 ans, la causalité est plus évidente.

En plus des éléments liés au mode de vie, il existe un facteur génétique qui, selon le gène, augmente le risque de 1,5 à 2 fois la normale de développer cette démence. Un des gènes étudiés est APOE (apolipoprotéine E) et certaines formes de ce gène peuvent augmenter jusqu’à 15 fois le danger. En 2022, des scientifiques lillois ont identifié 75 régions génétiques associées à la maladie d’Alzheimer et établi un score de risque permettant de constater l’évolution de la maladie.



Comment aider les malades ?

Actuellement, la prise en charge est multidisciplinaire (hygiène de vie, médicaments, aide neuropsychologique afin de faciliter le quotidien des patients et de soulager les proches aidants…). L’objectif est de maintenir les malades actifs et « dans » leur vie. Quatre molécules existent sur le marché pour aider les patients à mieux vivre. Trois d’entre elles agissent en améliorant la communication entre les neurones, et la dernière bloque une molécule toxique qui aggrave la neurodégénérescence. N'entraînant pas d’amélioration mais plutôt une stabilisation de la maladie, ces médicaments ont récemment été déremboursés. Alors qu’en réalité ils apportent une véritable aide au maintien d’une vie normale pour les patients, cependant difficilement quantifiable par des études scientifiques.



Vers de nouveaux challenges

Pour pallier ce manque de traitements médicamenteux, de nombreuses équipes de recherche sont actuellement focalisées sur l’identification d’anticorps qui seraient utilisés en immunothérapie et qui cibleraient les peptides β-amyloïdes afin de les éliminer, plutôt qu’ils ne se déposent sur les neurones. La firme japonaise Eisai a mis au point un de ces anticorps et obtenu l’autorisation de mise sur le marché de la FDA (Food and drug administration) en janvier 2023, le Lecanemab. Il a montré une efficacité tant sur le plan des marqueurs de dépôts d’amyloïde que sur le plan cognitif. Cette première autorisation américaine est un véritable espoir pour les patients, même si ce médicament ne permet pas une guérison totale.

Le dépistage est également un défi pour la recherche dans les années à venir. Il se base actuellement sur des tests des fonctions cognitives, ainsi que sur des examens d’imagerie cérébrale. Une étude récente a identifié un marqueur retrouvé dans les urines, l’acide formique, qui pourrait être mesuré de façon précoce avant même l’apparition des symptômes. Si ce type de test peut voir le jour, cela révolutionnerait la gestion et l’évolution de la maladie.

A l’horizon de la fin du Plan d’action mondial de santé publique contre les démences 2017-2025 mis en place par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), les efforts se poursuivent et l’objectif primordial reste d’améliorer la qualité de vie des patients. La recherche avance concernant la maladie d’Alzheimer et les espoirs sont permis.




Sources

  1. Archana Singh-Manoux et al. Facteurs de risque de la maladie d’Alzheimer et des maladies apparentées : approche parcours de vie. Bulletin de l'Académie Nationale de Médecine. 2020
  2. C. Folliot. La maladie d’Alzheimer au fil des siècles. La Revue de Biologie Médicale. 2021
  3. Barbara Pravi. La Ritournelle. Universal Music Publishing Group. 2021.
  4. Christopher H. van Dyck et al. Lecanemab in Early Alzheimer’s Disease. The New England Journal of Medicine. 2023
  5. Céline Bellenguez et al. New insights into the genetic etiology of Alzheimer’s disease and related dementias. Nature Genetics. 2022
  6. Yifan Wang et al. Systematic evaluation of urinary formic acid as a new potential biomarker for Alzheimer’s disease. Frontiers in Aging Neurosciences. 2022
  7. https://www.francealzheimer.org/plan-daction-mondial-de-sante-publique-contre-la-demence/
  8. https://www.inserm.fr/dossier/alzheimer-maladie/


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4 m
29 mars 2023
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