Comme
nous l’avons vu dans l’article précédent, les neuromythes découlent d’un
certain nombre de facteurs, dont les biais cognitifs. Pour Pasquinelli,
combattre les neuromythes et leurs exploitations commerciales douteuses est
nécessaire. Les pratiques fondées sur les neuromythes peuvent être
préjudiciables, et ce, de manière indirecte. Même si boire de l’eau, entraîner
son cerveau, faire du sudoku et écouter Mozart dès la naissance ne sont pas
inacceptables en soi, ces pratiques ne prouvent pas scientifiquement
l’amélioration des capacités d’apprentissage. Chaque fois que ces méthodes sont
adoptées, les contraintes de temps et de budget risquent de faire obstacle à
d’autres méthodes prouvées comme étant utiles. Le cas est analogue à
l'homéopathie (voir l’article sur «l’homéopathie»), causant un
préjudice secondaire en décourageant les patients de suivre des traitements
réellement efficaces (Goldacre, 2008, cité par Pasquinelli, 2012).

3 neuromythes déconstruits par le C.E.A. Source :https://www.edcan.ca/
Comment
agir pour éviter les neuromythes et avoir accès à des méthodes utiles
Dissiper
les neuromythes est nécessaire puisque ces derniers participent à la
mécompréhension de certains processus. En réduisant leur impact, cela
permettrait d'exploiter pleinement les connaissances scientifiques sur l'esprit
et le cerveau. Bien qu’il s’agisse de phénomènes naturels, au même titre que
les préjugés, les neuromythes traduisent toujours une vision erronée d’une
information, ce qui peut provoquer la mise en place de méthodes inadaptées dans
les salles de classe. Même si les
neuromythes ne conduisent pas à des choix mortels, leur croissance menace les
programmes d'élaboration d’approches fondées sur des preuves. L’OCDE
(Organisation de coopération et de développement économique) attire l’attention
sur le problème des neuromythes, tout en plaidant pour que les techniques et
méthodes d’enseignement et d’apprentissage soient validées scientifiquement.
Quelles actions peuvent-donc être menées face à cette demande ?
L’utilité des formations.
Pour
Papadatou-Pastou et ses collègues, les enseignants reconnaissent l’importance
des connaissances sur le cerveau afin d’orienter leur enseignement vers les
meilleures pratiques et pour éviter les neuromythes. Il serait intéressant
d'améliorer les connaissances en neurosciences des futurs enseignants en
intégrant des cours dans leur formation initiale. D’ailleurs, de nombreux
auteurs et organisations ont suggéré d’intégrer les neurosciences dans la
formation initiale des enseignants (Papadatou-Pastou et al., 2017; Goswami,
2006; HowardJones, 2014; Rato et al., 2013; Tardif et al., 2015). L'éducation
doit évoluer avec son temps et donc intégrer de nouvelles connaissances et compétences
actuelles. La psychologie (cognitive, développementale et sociale) occupe déjà
une place importante dans la formation des enseignants. Les neurosciences
cognitives, développementales et sociales peuvent élargir les horizons
d'apprentissage de ces disciplines et les compléter en ajoutant un niveau
d'explication supplémentaire, neurobiologique, en approfondissant la
compréhension des enseignants en ce qui concerne les processus liés à
l'apprentissage. Les neurosciences devraient viser à aider les futurs
enseignants à acquérir une meilleure compréhension des sujets liés à
l’éducation et à ne pas être utilisées comme un outil normatif.
La collaboration sciences/éducation.
En
plus de faire progresser les connaissances en neurosciences des enseignants, l’amélioration
de la communication entre les scientifiques et les praticiens pourrait
permettre d’éviter que des idées fausses ne se reproduisent. Pour Dekker et al.
(2012), un cadre possible pour ce faire consiste à laisser les enseignants
choisir les thèmes des ateliers de neuroscience et à consacrer un temps
considérable au dialogue entre neuroscientifiques et enseignants, afin de
réfléchir à la traduction de ces connaissances en pratiques pouvant être mises
en place dans la classe.
L’esprit critique.
La formation initiale et continue des enseignants devrait donc inclure les
compétences nécessaires pour évaluer la recherche scientifique et être
sensibilisés à l’esprit critique. Cela permettrait aux enseignants de
développer une attitude critique à l'égard des informations qu'ils reçoivent et
d'examiner des preuves scientifiques avant d'inclure les conclusions
neuroscientifiques dans leur pratique d'enseignement.
Comprendre le fonctionnement de la
recherche.
Tout en développant l’esprit critique des enseignants,
l’amélioration de la compréhension de la manière dont la recherche est menée et
présentée en neurosciences pourrait aider dans la dissolution des neuromythes.
Pour Wechsler et ses collègues, les neurosciences étant un domaine en évolution
constante, les enseignants devraient être en mesure de suivre les nouvelles
découvertes en lisant et en évaluant de manière efficace les informations
qu’ils sont voués à rencontrer en fonction des sources utilisées, grâce à
l’esprit critique mais aussi grâce à une meilleure compréhension du
fonctionnement de la recherche.
Rendre l’information scientifique
accessible.
Pour Schwartz, la solution pour corriger
les fausses croyances et accroître la connaissance du public sans propager des
informations erronées consiste avant tout à rendre l’information accessible et
compréhensible pour le plus grand nombre. Et ça tombe bien, car c’est la
mission que s’est donné Cortex!
Références
:
1. Dekker,
S., Lee N.C., Howard-Jones P., & Jolles, J. (2012). Neuromyths in
Education: Prevalence and Predictors of Misconceptions among Teachers.
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U. (2006). Neuroscience and education: from research to practice? Nature
Reviews. Neuroscience. 7, 406–413.
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P. A., Franey, L., Mashmoushi, R., & Liao, Y.-C. (2009). The neuroscience
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Association Annual Conference, Manchester.
4. Howard-Jones,
P. (2014). Neuroscience and education: myths and messages. Nature Reviews. Neuroscience,
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5. Lilienffeld,
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psychotherapies appear to work : a taxonomy of causes spurious therapeutic
effectiveness. Perspectives on Psychological Science, 9, (4), 355-387.
6. Organisation
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Towards a New Learning Science. Paris : OECD.
7. Organisation
for Economic Co-operation and Development. (2007). Understanding the Brain: The
Birth of a Learning Science, Paris : OECD.
8. Pasquinelli,
E. (2012). Neuromyths: why do they exist and persist? Mind, Brain, and
Education, 6, 89–96.
9. Rato,
J. R., A. M.Abreu, & A.Castro-Caldas. (2013). Neuromyths in education: what
is fact and what is fiction for Portuguese teachers ?. Educational Research.
55, 441–453.
10. Schwarz,
N., Newman, E., & Leach, W. (2017). Making the truth stick & the myths
fade: Lessons from cognitive psychology. Behavioral Science & Policy, 2,
85-95.
11. Tardif,
E., Doudin, P., & Meylan, N. (2015). Illusions et biais. In E. Tardif &
P.-A. Doudin, Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de
l’éducation (pp. 66-68). Louvain-La-Neuve : De Boeck supérieur
12. Wechsler,
S. M., Saiz, C., Rivas, S. F., Vendramini, C. M. M., Almeida, L. S., Mundin, M.
C., & Franco, A. (2018). Creative and critical thinking: Independent or
overlapping components. Thinking Skills and Creativity, 27(1), 114-122.
13.https://www.edcan.ca/wp-content/uploads/edcan-neuromyths_poster-fr1.pdf
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