Bioluminescence, quand la nature nous éclaire

Bioluminescence, quand la nature nous éclaire

L’émission de lumière par le vivant est assez largement répandue, que ce soit sur terre ou dans la mer. Une manifestation biologique qui trouve d’ores et déjà des applications dans notre quotidien et qui en promet bien d’autres.



L’été, si on est chanceux, en se baladant dans les prairies en bordure de forêt, on rencontre parfois la nuit une lueur verte fluorescente. Elle provient des lucioles femelles qui communiquent avec les mâles lors de la saison des amours afin de s’accoupler. Cependant, contrairement aux idées reçues, cette faible lumière n’est pas fluorescente, ni même phosphorescente. Elle est bioluminescente. C’est un phénomène chimique qui se produit à l’intérieur d'organismes vivants et qui émettent des lumières bleues ou vertes. La bioluminescence se manifeste aussi bien dans le milieu terrestre qu’au fond des océans et ce pour diverses raisons. L’évolution l’a fait apparaître à de nombreuses reprises au fil du temps et pas uniquement chez les animaux.


Ça brille dans le noir

La bioluminescence est la production de lumière par des organismes vivants, aussi bien terrestres que marins. Une réaction chimique se produit au cours de laquelle une énergie lumineuse est émise. C’est une lumière dite froide, car moins de 20 % émet de la chaleur. Elle se diffuse si faiblement dans le bleu et le vert qu’elle n’est visible que de nuit. Les organismes terrestres sont plutôt vert/jaune, tandis que les organismes marins sont plutôt bleus.


A : Champignons bioluminescents verts ; B : Méduses bioluminescentes bleues
(source : Wikicommons Images)



La réaction chimique de la bioluminescence est la rencontre entre un substrat, la luciférine et une enzyme, la luciférase. Pour que cette réaction enzymatique ait lieu, elle nécessite de l’oxygène. Lors de leur entrée en contact, la luciférase va s’oxyder et devenir instable. Le complexe va alors devenir de l’oxyluciférine et libérer des photons. Ces derniers sont responsables de la lumière émise. Les deux molécules se séparent alors et le cycle peut recommencer.



Schéma de l’oxydation de la luciférine et de l’émission de photons. La luciférine va s’associer à la luciférase. En présence d’oxygène (O2), le complexe est oxydé, devient instable et excité. Il va alors émettre des photons. Le complexe se sépare ensuite et la réaction peut recommencer.


Les différents types de bioluminescence

Selon les organismes, l’émission de la bioluminescence n’a pas la même origine. Elle peut être intracellulaire, extracellulaire ou par bactéries symbiotiques. Certaines cellules sont spécialisées dans les réactions enzymatiques, ce sont les photocytes. La lumière est émise à travers la peau de l’organisme qui la génère, voire est intensifiée par la présence de cristaux. C’est le cas de la luciole. Ce type de bioluminescence est principalement présente chez les calmars. La bioluminescence extracellulaire est réalisée de la même manière que pour l’intracellulaire. Cependant, une fois produite, elle est stockée dans des glandes spécifiques et est expulsée sous forme de nuages lumineux. On retrouve ce phénomène chez des crustacés et des céphalopodes abyssaux.


Le type de bioluminescence le plus répandu dans le règne animal est par symbiose bactérienne. Le phénomène est uniquement connu parmi les animaux marins comme les cnidaires, les mollusques et les poissons. Les bactéries se situent au niveau des photophores des animaux. Elles sont en permanence bioluminescentes. L’organe dans lequel elles sont situées est directement relié au système nerveux de l’animal, ce qui lui permet de contrôler l’émission lumineuse.



Qui est bioluminescent ?

De nombreux organismes vivants, terrestres et marins produisent de la bioluminescence. En effet, 76 % des espèces vivant sous l’eau, tels que le Krill, le phytoplancton, certaines méduses, le calmar de Hawaï et de nombreux poissons des profondeurs en sont la parfaite illustration.


Exemples d’animaux marins bioluminescents. A : Méduses ; B : Mnemiopsis leidyi ; C : Zooplancton
(source : wikicommons)


Parmi les organismes terrestres, on peut nommer la luciole, le ver luisant, certaines araignées, insectes ou encore coléoptères. D’autres organismes, tels que des champignons ou des bactéries, sont également bioluminescents.



Exemples d’organismes terrestres bioluminescents. A : Luciole ; B : Gerronema viridilucens ; C : Arachnocampa luminosa
(sources : wikicommons)


Cependant, à ce jour, aucun vertébré (mammifères, reptiles, volatiles…) n’a été découvert comme émettant de la bioluminescence.


Par ailleurs, au cours de l’évolution, il a été observé que le gène permettant de créer la bioluminescence est apparu plus d’une cinquantaine de fois, à divers embranchements, sans lien entre les différents taxons. Un taxon regroupe tout un groupe d'organismes sous les mêmes gènes communs. Lorsqu’une espèce d’individus commence à diverger d’une autre alors qu’elle fait partie du même taxon, cela crée un nouvel embranchement. Et l’espèce d’individus de base devient ce qu’on appelle un ancêtre commun.



Arbre de l’évolution et apparition de la bioluminescence. Les noms en bleu représentent les animaux marins capables d’émettre de la bioluminescence. Les noms en vert représentent les animaux terrestres capables d’émettre de la bioluminescence. Les noms en gris sont les êtres vivants ne produisant pas de bioluminescence. Chaque embranchement représente un ancêtre commun à deux espèces.
(sources : Bioluminescence in the sea – 2010)

Le fait que la bioluminescence soit apparue de façon indépendante dans des embranchements différents, de nombreuses fois au cours de l’évolution, démontre l’adaptation des êtres vivants à leur environnement. Mais la bioluminescence n’est pas apparue pour les mêmes raisons à chaque fois. Cinq applications différentes ont été mises au jour.


Le poisson hache d’argent et le calmar Euprymna scolopes utilisent la bioluminescence comme camouflage. Dans les fonds marins, les prédateurs chassent leurs proies par en dessous, là où la lumière est faible. Le poisson et le calmar ont le dessous de leur corps bardé de bioluminescence afin de se confondre dans la lumière tamisée. La bioluminescence peut être utilisée afin d’attirer des partenaires sexuels ou des proies. L’été, les femelles lucioles attirent les mâles ainsi lorsqu’elles sont prêtes à être fécondées. De nombreuses espèces sous-marines utilisent la bioluminescence afin de chasser. Le calmar géant Taningia danae émet des flashs lumineux pour aveugler ses victimes, d’autres, comme le poisson-vipère Chauliodus macouni, attirent leurs proies directement dans leur gueule grâce à une faible lumière. A contrario, certains calmars utilisent un mélange chimique bioluminescent afin de repousser les attaques des prédateurs.


La bioluminescence est également un bon système de communication, notamment chez les bactéries. Ces dernières régulent la densité de population par quorum sensing. Il s’agit d’un échange de nombreux signaux chimiques permettant d’avertir les autres. Lorsque la population devient trop dense à certains endroits de la surface qu’elles ont colonisés, l’expression du gène de la bioluminescence est activée afin d’avertir les autres plus loin.

La raison la plus simple de l’apparition de la bioluminescence au cours de l’évolution reste le fait de pouvoir s’éclairer dans les profondeurs abyssales, comme la baudroie des Abysses. De nombreuses créatures marines vivent à une profondeur que la lumière n’atteint plus.



Une source d’inspiration

Les bactéries lumineuses Photobacterium et Vibrio ont permis d’isoler le gène codant pour la luciférase. Elle est utilisée comme un gène marqueur, appelé lux. C’est-à-dire qu’il est inséré à l’intérieur d’un génome et lorsque le gène est activé, il est exprimé et il y aura expression de lumière. Ce gène lux a été introduit dans une bactérie, Pseudomonas fluorescens. Lorsque celle-ci est en présence de polluants, elle émet désormais une lumière bleue. Elle est utilisée pour déterminer la pollution chimique d’un milieu. L’isolement d’un gène marqueur permettant de tracer la production de protéines par expression lumineuse est couramment utilisé dans la recherche.


Cette émission de lumière est bien moins énergivore que les méthodes plus traditionnelles, plus respectueuse de l’environnement et moins déroutante pour la biodiversité. Les scientifiques s’attèlent donc à l’étude de cette réaction chimique afin de la reproduire à volonté et obtenir des applications au quotidien. On peut noter plusieurs entreprises qui tentent de s’emparer de ces secrets, notamment la start-up Woodlight qui sont actuellement en train de développer des plantes bioluminescents modifiées génétiquement.




Image provenant du site internet de Woodlight, illustrant ce à quoi pourrait ressembler une ville éclairée par bioluminescence
(source : https://woodlight.fr)


L’utilisation de la bioluminescence par biomimétisme a permis de nombreuses avancées scientifiques, notamment grâce aux gènes marqueurs, comme la mise en évidence de méthodes d’analyses de pollution des environnements ou encore dans la recherche sur le cancer, en traquant les gènes responsables. Ce domaine en pleine expansion réserve encore de grandes avancées à n’en pas douter.



Sources :


  1. Tim Kahlke and Kate D. L. Umbers. Bioluminescence. Current Biology. 2016
  2. Lisa Tanet. La bioluminescence bactérienne, des océans à Biolum-Archi, un phénomène biologique fascinant au service d’un modèle d’habitat durable méditerranéen ? Thèse de doctorat de l’Université d’Aix-Marseille et de l’Institut Méditerranéen d’Océanologie. 2020.
  3. Lauren Kamili. La lampe, la mouche et le champignon. OpenEdition Journals. 2020.
  4. E. A. Widder. Adaptative Mechanisms in the Ecology of Vision, chapitre Bioluminescence. 1999.
  5. Stéphane Tanzarella. Perception et communication chez les animaux. De Boeck. 2005.
  6. J. M. Claes and J. Mallefet. Early development of bioluminescence suggests camouflage by counter-illumination in the velvet belly lantern shark Etmopterus spinax. Journal of fish biology. 2008.
  7. Tsunemi Kubodera, Yasuhiro Koyama and Kyoichi Mori. Observations of wild hunting behaviour and bioluminescence of a large deep-sea, eight-armed squid Taningia danae. Proceedings of the Royal Society. 2007.
  8. Kamil Fadel. La bioluminescence, une lumineuse invention de la nature. Découverte. 2005.
  9. Steven H.D. Haddock, Mark A. Moline and James F. Case. Bioluminescence in the sea. Annual Review of Marine Science. 2009.
  10. Romain De Jaegere. L’Erable, Chapitre la Bioluminescence. 2016
  11. https://www.geo.fr/animaux/comment-fonctionne-la-bioluminescence-208826#:~:text=La%20bioluminescence%20est%20un%20ph%C3%A9nom%C3%A8ne,et%20elle%20devient%20%C3%A9lectroniquement%20instable.
  12. https://intra-science.anaisequey.com/experiences/98-infos-pratiques/215-exp-lucioles-ip#:~:text=Les%20endroits%20propices%20sont%20les,femelles%20sont%20d%C3%A9pourvues%20d'ailes.
  13. https://fr.wikipedia.org/wiki/Bioluminescence
  14. https://woodlight.fr/




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31 janvier 2024
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