Deux poids, deux mesures

Deux poids, deux mesures

Mètres, kilogrammes, secondes… Ces unités de mesure nous sont si familières qu’elles semblent avoir existé depuis toujours. En réalité, la formalisation d’un système de mesures international ne remonte qu’à un siècle et demi. Pourquoi et comment ces unités ont-elles été créées ? Sur quelles références les scientifiques se sont-ils basés ? Pourquoi sont-elles essentielles à la compréhension et à l’interprétation de notre environnement ? Autant de questions dont il faut prendre la mesure…


De la nécessité d’un système précis et commun

Pouce, pied, coudée, lieue, toise, once, arpent, livre, litron… Au temps jadis, il y a quelques siècles, moult unités de mesure se côtoyaient, différentes selon les villes, les corporations et même la nature des objets. Souvent inspirées directement de la morphologie humaine (pied, pouce, coudée, brassée…), elles n’en demeuraient pas moins très disparates et nécessitaient de savantes conversions sitôt que l’on changeait de province. Après plusieurs tentatives d’unification à des échelles plus ou moins larges dans le monde, ce n’est que dans les années 1790 qu’un véritable système commun de mesures voit le jour, dans une France (cocorico) en pleins bouleversements : c’est la Révolution.

Partout au sein du royaume, on se plaint dans les cahiers de doléances qu’il n’y a pas deux poids et deux mesures identiques. Dès lors, comment commercer efficacement ? Après plusieurs années de travaux, une mesure commune est créée : c’est la naissance du mètre. Invariable et universelle, cette longueur équivaut au dix-millionième du quart du méridien terrestre, soit un quarante-millionième de la circonférence de notre planète. Pour l’anecdote, 16 mètres-étalons en marbre sont disposés dans Paris à cette occasion afin de permettre à la population de se familiariser avec cette unité nouvelle. L’un des derniers encore visibles, et le seul à n’avoir jamais été déplacé, se trouve dans le VIe arrondissement, sous les arcades du 36, rue de Vaugirard.

De là, on établit une série d’unités usuelles :

- L’are, pour exprimer la superficie d’un terrain, correspond à un carré de dix mètres de côté.

- Le litre, pour exprimer un volume (de liquide notamment) correspond à un cube d’un dixième de mètre de côté.

- Le gramme, pour exprimer la masse d’un objet, correspond à la masse d’un centimètre cube d’eau pure à la température de la glace fondante.

Durant les décennies suivantes, le système métrique se diffuse largement hors des frontières françaises et est adopté par de nombreux pays. En 1875 est créé le Bureau International des Poids et Mesures (BIPM), encore actif aujourd’hui.


Le Système international d’unités (SI)

Au cours des XIXe et XXe siècles, les avancées techniques et scientifiques amènent à reconsidérer les unités en place et à en inventer de nouvelles. C’est ainsi que naît en 1960 un système bien plus complet : le Système international d’unités, abrégé « SI ». Il comporte 7 unités de base.

- Unité de longueur : le mètre (m)

- Unité de masse : le kilogramme (kg)

- Unité de temps : la seconde (s)

- Unité de température : le kelvin (K)

- Unité de quantité de matière : la mole (mol)

- Unité d’intensité électrique : l’ampère (A)

- Unité d’intensité lumineuse : la candela (cd)

Notez que l’unité officielle de masse est bien le kilogramme, et non le gramme comme on pourrait le penser.

 

Étalon national du kilogramme conservé au Laboratoire National de Métrologie et d’Essais

(Source : lne.fr)


À ces 7 unités de base sont associées des unités dites dérivées. Elles sont formées par des combinaisons entre les unités de base (produit, quotient, puissance…). Par exemple, la vitesse s’exprime en mètres par seconde (m/s), la surface en mètres carrés (m2)… Pour plus de commodité, 17 de ces unités dérivées ont un nom : c’est le cas notamment pour la fréquence, exprimée en Hertz (qui n’est autre que la seconde à la puissance -1), ou bien la tension électrique, exprimée en Volt. Ainsi, 1 V est égal, accrochez-vous, à 1 m2.kg.s-3.A-1 (un point représente une multiplication). On comprend pourquoi on a donné un petit nom à cette unité.

La majorité des pays du monde ont adopté ce système, mais certains pays continuent à utiliser, au moins en partie, les mesures impériales. C’est le cas du Royaume-Uni, du Canada ou encore des États-Unis. Le yard constitue la référence de ce système qui comprend aussi des pouces ou encore des miles. À titre de comparaison, 1 mile équivaut à 1,609 kilomètre.


Un système décimal… ou presque

Mais, direz-vous, manier des mesures pouvant aller de l’infiniment petit à l’infiniment grand n’est pas très pratique ! Si le mètre est parfait pour mesurer une personne ou de courtes distances, il devient vite inadapté quand il s’agit de mesurer le diamètre d’un cheveu (0,000 07 m en moyenne) ou encore la distance Terre-Soleil (150 000 000 000 m environ). Pour remédier à cela, on utilise des préfixes. Vous connaissez les plus courants : centi, milli, micro, kilo… Mais avez-vous déjà entendu parler de femto, de zepto, de péta ou d’exa ? Tous ces préfixes permettent de passer d’une puissance de 10 à l’autre. C’est donc un système dit décimal : pour faire simple, on ajoute ou on enlève des zéros en multipliant ou divisant par 10. Par exemple, kilo est le préfixe correspondant à 10 à la puissance 3 ; un « kilo-mètre » est donc un mètre multiplié 103, soit 1 mètre multiplié par 10x10x10 qui font 1 000. À l’inverse, un « milli-mètre » est un mètre multiplié par 10 à la puissance -3, soit 1 mètre multiplié par 0,001.

Le tableau ci-dessous rassemble l’ensemble des préfixes du Système international.


Liste des préfixes du Système international


Toutefois, il est une mesure qui ne se plie pas - entièrement - à ce système décimal : il s’agit du temps. Essayez donc de compter en centiheures ou en kilojours… Le temps se mesure en réalité selon un système hérité des Sumériens ou des Babyloniens qui, une poignée de millénaires avant notre ère, comptaient probablement en apposant leur pouce sur les 3 phalanges de leurs 4 autres doigts. Je vous le donne en mille, cela fait 12. Et sur deux mains… 24, comme les 24 heures de la journée. Ce n’est pas tout : 12 multiplié par 5 font 60, comme les 60 minutes qui composent une heure, et comme les 60 secondes qui composent une minute. Notez cependant qu’en deçà de la seconde, et au-delà des années, le temps est à nouveau compté en multiples de 10 (microsecondes, millisecondes ou bien siècles, millénaires…). 

À vrai dire, le temps n’est pas le seul à être mesuré de la sorte. Songez aux degrés d’un angle : ils s’étalent de 0 à 360… encore un multiple de 12.


La métrologie au service de la technologie… et vice-versa

La métrologie - la science des mesures - doit suivre sans cesse l’évolution des technologies. L’arrivée de la 5G, le développement de la physique quantique, l’essor des nanotechnologies requièrent des mesures de plus en plus précises. De fait, les étalons originels sont devenus obsolètes. Depuis plusieurs années, les unités de base sont progressivement redéfinies en fonction de constantes physiques, afin de permettre une précision jusqu’ici inégalée. La seconde notamment, auparavant basée sur le cycle de rotation de la Terre qui présentait des irrégularités, est désormais basée sur une horloge atomique, beaucoup plus précise. Le mètre, quant à lui, correspond à présent à « la longueur du trajet parcouru dans le vide par la lumière pendant une durée de 1/299 792 458 de seconde ». Ces nouvelles définitions sont permises par le développement d’outils de mesure de plus en plus performants. Ainsi, les unités de mesure, indispensables et indissociables des activités humaines, évoluent par et pour la technologie… Un cercle vertueux, en somme.


Sources :

1. British Weights and Measures Association, http://bwma.org.uk/

2. Bureau International des Poids et Mesures, https://www.bipm.org/

3. Laboratoire National de Métrologie et d’Essais, https://www.lne.fr/

4. Réseau National de la Métrologie Française, https://metrologie-francaise.lne.fr/

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8 m
12 octobre 2022
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