Endométriose : on en parle

Endométriose : on en parle

Le 13 janvier dernier, Clémentine Autain, députée de la France insoumise, a proposé à l’Assemblée nationale une résolution visant à reconnaître l’endométriose comme une affection longue durée. Adoptée à l’unanimité, le président de la République s’est emparé de ce sujet et a demandé au ministre français des Solidarités et de la Santé, Olivier Véran, de réunir un comité de pilotage, qui s’est rassemblé le 14 février.


Enfin du nouveau

Ce premier comité de pilotage interministériel de lutte contre l’endométriose, qui s’est tenu le 14 février, signe le coup d’envoi de la stratégie nationale de lutte contre cette maladie invalidante pour une femme sur 10 en France. Ainsi, les ministères de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, du Travail, de l’Emploi et de l’Insertion, de l’Education nationale, de la Jeunesse et des Sports, le ministère chargé de l’Egalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l’Egalité des chances se sont retrouvés avec des associations de personnes atteintes d’endométriose et des acteurs de terrain.

Même si la prise de conscience est là, une résolution n’est pas une proposition de loi. Cette démarche est d’ordre réglementaire et n’a pas de valeur contraignante. Il s’agit donc d’une marque d’expression, d’un souhait ou d’une préoccupation de l’Assemblée nationale. Dans ce cas précis, cette préoccupation a obtenu la totalité des votes à l’Assemblée.

Il est question ici de faire entrer la pathologie de l’endométriose dans la liste des ALD 30 (affections de longue durée). Cela permettrait un remboursement à 100 % par la Sécurité sociale, des jours de congés et un aménagement du temps de travail en raison de son affection. Actuellement, l’endométriose fait partie des ALD 31, c’est-à-dire des maladies « hors liste ». La reconnaissance n’est pas systématique et est aléatoire selon le territoire et son praticien. C’est donc la loterie…

 


Comment se passe un cycle ?

Chaque femme ayant un vagin, un utérus, des trompes de Fallope et des ovaires possède normalement ce qu’on appelle des cycles menstruels. Un cycle menstruel se décompose sur un mois. Durant ce mois, la femme, ses organes et ses hormones vont subir différents changements afin que son corps puisse à une certaine période accueillir un futur enfant.

Schéma de l’appareil reproducteur de la femme

Chaque mois, au début d’un cycle, des ovocytes sont prêts à être expulsés, ils sont contenus dans des follicules. Durant les 14 premiers jours du cycle, leur taille augmente jusqu’à ce que l’un d’eux se démarque. Un ovocyte est alors expulsé le 14e jour par l’un des deux ovaires, une fois atteint le pavillon de la trompe, il devient un ovule. En parallèle, un autre organe change d’aspect : c’est l’utérus. Pendant les 5 premiers jours, sa muqueuse qui le tapisse va dégénérer et se détruire, ce sont les règles. Après cela il va reconstruire et épaissir sa paroi endométriale. Suite à l’ovulation, l’utérus change encore d’aspect et on voit apparaître la dentelle utérine. C’est dans ces conditions qu’un embryon peut s’y nicher et se développer.

Cette synchronisation de l’utérus et des ovaires est liée à une sécrétion d’hormones en provenance des ovaires. La concentration en hormones varie selon la période du cycle. On retrouve l’œstrogène et la progestérone. Au début du cycle, leur concentration est faible, on a donc les règles. Une hausse d’œstrogène va alors permettre de régénérer la muqueuse utérine. Après l’ovulation au 14e jour, c’est à la progestérone de prendre le relais.

 


L’endométriose, cette maladie qui touche 6 à 10 % des femmes

L’endométriose est une maladie gynécologique encore mal connue, pourtant fréquente, qui touche les femmes en âge de procréer. La formation de tissu endométrial se fait à des endroits où il ne devrait pas être présent. Les cellules endométriales tapissent la paroi de l’utérus et se développent afin d’accueillir un embryon.


Schéma de l’appareil reproducteur de la femme atteint d’endométriose

 


Lorsqu’une femme est atteinte d’endométriose, ses cellules endométriales vont migrer dans les trompes au lieu d’être évacuées avec les règles et vont ainsi se loger dans la cavité pelvienne.


Schéma des dépôts de règles dans la cavité pelvienne


Dans certains cas, on peut également retrouver ces cellules dans différentes zones du corps telles que le vagin, le rectum et même parfois le foie, les poumons et le cerveau. Ces cellules une fois fixées aux organes vont créer des lésions et réagir aux jeux d’hormones durant le cycle menstruel. Elles vont saigner ce qui peut créer de fortes douleurs pendant (dysménorrhée) et hors des règles. Une grande fatigue peut également se faire ressentir. Pour certaines femmes, on retrouve des douleurs lors de l’urination (dysurie) et la défécation (dyschesie), ainsi que lors des rapports sexuels (dyspareunie).

On dit qu’il y a des endométrioses. Car les symptômes et les gravités varient en fonction des femmes touchées et, surtout, il y a parmi elles des femmes asymptomatiques, soit 5 à 10 % (qui n’ont pas de signes de la maladie comme la douleur).

Pour cela, une classification a été mise en place par l’ASRM (American Society for Reproductive Medicine) en fonction de l’emplacement et de la taille des lésions observés au cours de l’intervention chirurgicale : I (minime), II (légère), III (modérée), IV (sévère).

Il y a trois grands types d’endométriose :

-          L’endométriose péritonéale superficielle : il s’agit d’un stade où des « bouts » de l’endomètre vont se retrouver implantés hors de leur zone et vont réagir en fonction des hormones régulant le cycle menstruel. Ces zones touchées ne guérissent pas totalement.

-          L’endométriose infiltrante profonde : contrairement au cas précédent il n’y a pas de réelle influence du cycle menstruel. Les « morceaux » d’endomètre peuvent se retrouver dans les zones à l’arrière de l’utérus et du vagin comme la zone rectale.

-          Endométriomes ovariens : on retrouve des kystes de couleur brune dont la couleur est la conséquence de saignements répétés des « morceaux » d’endomètre logés dans certaines zones.

La ou les causes de l’endométriose sont encore inconnues, cependant il existe plusieurs hypothèses. On sait que l’endométriose réagit aux hormones, elle est donc hormonodépendante. On sait également que le système immunitaire joue un rôle lors de l’inflammation, mais on ne sait pas encore s’il s’agit du système immunitaire qui a un impact sur la maladie ou l’inverse.

L’hypothèse dominante des causes de cette maladie est l’implantation. Comme expliqué en amont, il s’agirait de cellules endométriales migrant dans le mauvais sens, remontant les trompes et se logeant dans différents organes, mais il est peu probable que cela soit la seule explication.

La conséquence directe de l’endométriose, autre que les douleurs, est l’infertilité. C’est d’ailleurs à cette occasion, lors d’un contrôle médical afin d’avoir un enfant, que certaines femmes sont diagnostiquées.

 


Les techniques de diagnostic

De façon courante et dans un premier temps, les femmes touchées sont détectées grâce à des palpations de la part d’un médecin ou d’une sage-femme. Une échographie pelvienne, voire une IRM (imagerie à résonnance magnétique) sont souvent utilisées par la suite.  Afin de confirmer le diagnostic de la maladie, il est nécessaire d’effectuer un prélèvement de tissu pour faire une étude histologique (observation et étude de tissu). Ce prélèvement se fait lors d’une chirurgie appelée laparoscopie. Cette opération permet à la fois de confirmer la présence de la maladie mais aussi de la classer sur l’échelle de l’ASRM et de traiter les lésions apparentes pour soulager les douleurs.

 


Les scientifiques suspectent des facteurs à risques

De nos jours où la parole se libère lentement dans plusieurs domaines, on retrouve souvent dans les débats de santé publique les mêmes coupables : les perturbateurs endocriniens. Roundup, certains médicaments, certains plastiques… Dans le cas de l’endométriose, les scientifiques sont enclins à penser que ces perturbateurs endocriniens jouent un rôle dans la progression de la maladie, mais aussi dans son déclenchement. Un autre élément pourrait rentrer en jeu dans le cadre de cette maladie : l’épigénétique. Pour les lecteurs qui ne sont pas familiers avec cette notion, je vous invite à lire notre article « Notre impact sur nos gènes ». En gros, l’épigénétique illustre la capacité de notre environnement à influencer l’expression de nos gènes.

Ces deux facteurs à risques ne sont toujours pas pleinement désignés comme responsables, mais plusieurs chercheurs s’y intéressent fortement.

Autre paramètre, l’endométriose est héréditaire. Le débat est encore ouvert mais les transmissions se feraient à plus de 50 %. Ceci a été étudié et identifié grâce à de petits gènes SNP observés chez des centaines de personnes de différents continents.



Où en est-on aujourd’hui ?

Eh bien actuellement, il existe deux types de traitement pour les femmes atteintes d’endométriose. La voie médicamenteuse, qui comporte la plupart du temps la prise de contraceptifs oraux et de progestatif afin d’arrêter les règles et diminuer les douleurs. Mais peu de femmes semblent supporter cette option en raison des lourds effets secondaires comme une augmentation de la pilosité, des fortes sautes d’humeur, une chute de la libido… Cette voie est utilisée pour obtenir des effets sur le long terme, mais n’est pas compatible avec un désir d’enfant.

Une réadaptation de vieux médicaments utilisés initialement pour les affections inflammatoires douloureuses semble cependant prometteur.

La voie de l’immunothérapie est elle aussi étudiée. Cela consisterait à cibler un type de nos cellules immunitaires, les lymphocytes T (voir l’article d’Anne Clerico, Nos soldats de l’immunité).

Autre piste, le régime alimentaire qui, selon des témoignages, aurait des effets bénéfiques. Là encore des études concrètes manquent, mais cela n’enlève pas l’intérêt qu’ont les chercheurs pour notre microbiote en lien avec l’endométriose.

La dernière solution est la chirurgie, qui s’applique dans la volonté de procréer mais aussi de réduire les douleurs.

Il est important de comprendre après avoir lu cet article que l’endométriose reste une maladie qui n’est ni comprise ni correctement prise en charge. Il existe des méthodes pour soulager les femmes atteintes, mais rien qui ne leur permette d’être entièrement guéries. C’est pourquoi il est important de communiquer et de discuter de cette maladie. A la fois pour ne plus avoir de femmes qui, à force d’errance et d’incompréhension du corps médical, ne se sentent « pas légitimement malades ». Mais également afin d’impliquer et valoriser le monde de la recherche qui s’attèle à trouver des solutions.

 


Un test rapide de détection lancé par une startup

De nombreuses patientes se retrouvent dans le flou le plus total avant de savoir si elles sont atteintes de cette maladie ou non. Une startup spécialisée dans l’intelligence artificielle et collaborant avec de nombreux hôpitaux est actuellement en attente du feu vert pour le remboursement de son test avant mise sur le marché. Le concept est simple : il suffit de recueillir de la salive et d’envoyer les échantillons au laboratoire afin de détecter ce que l’on appelle des biomarqueurs. Ce sont des molécules (protéines, enzyme hormones) qui permettent d’identifier une maladie. Enfin un espoir de réponse pour les femmes en attente d’un diagnostic fiable.

 

 


Sources :

1.    Alimi, Y., Iwanaga, J., Loukas, M. & Tubbs, R. S. The Clinical Anatomy of Endometriosis: A Review. Cureus 10,

2.    Bulun, S. E. et al. Endometriosis. Endocr Rev 40, 1048–1079 (2019).

3.    Farquhar, C. Endometriosis. BMJ 334, 249–253 (2007).

4.    Hogg, S. & Vyas, S. Endometriosis update. Obstetrics, Gynaecology & Reproductive Medicine 28, 61–69 (2018).

5.    Parasar, P., Ozcan, P. & Terry, K. L. Endometriosis: Epidemiology, Diagnosis and Clinical Management. Curr Obstet Gynecol Rep 6, 34–41 (2017).

6.    Raffi, F. & Amer, S. Endometriosis. Obstetrics, Gynaecology & Reproductive Medicine 21, 112–117 (2011).

7.    Rafique, S. & DeCherney, A. H. MEDICAL MANAGEMENT OF ENDOMETRIOSIS. Clin Obstet Gynecol 60, 485–496 (2017).

8.    Rolla, E. Endometriosis: advances and controversies in classification, pathogenesis, diagnosis, and treatment. F1000Res 8, (2019).

9.    Salvat, J. Diagnostic et suivi de l’endométriose en consultation : nouveautés. Gynécologie Obstétrique & Fertilité 29, 616–623 (2001).

10.  Wee-Stekly, W.-W., Kew, C. C. Y. & Chern, B. S. M. Endometriosis: A review of the diagnosis and pain management. Gynecology and Minimally Invasive Therapy 4, 106–109 (2015).

11.  Endometriosis: Causes, Complications, and Treatment. Healthline https://www.healthline.com/health/endometriosis (2012).

12.  Endométriose. Inserm - La science pour la santé https://www.inserm.fr/information-en-sante/dossiers-information/endometriose.

13.  Endometriosis - an overview | ScienceDirect Topics. https://www.sciencedirect.com/topics/medicine-and-dentistry/endometriosis.

14. Endometriosis - an overview | ScienceDirect Topics. https://www.sciencedirect.com/topics/pharmacology-toxicology-and-pharmaceutical-science/endometriosis.

15.  Qu’est ce que l’Endométriose. Association EndoFrance https://www.endofrance.org/la-maladie-endometriose/qu-est-ce-que-l-endometriose/.


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