Exploration de la biodiversité Des fourmis qui explosent !
Des expéditions d’exploration ont toujours lieu de nos jours, et celles-ci aboutissent à la découverte d’un grand nombre d’insectes chaque année. Ici, nous nous intéresserons à une espèce en particulier, Colobopsis explodens, ou la fourmi explosive. Celle-ci a été décrite par la chercheuse Alice Laciny et ses collaborateurs en 2018. Cette espèce, observable à Bornéo, en Thaïlande et en Malaisie, a pour particularité de se faire exploser lorsqu’elle ou son nid subissent une agression.
Photographie d’une ouvrière majeure C. explodens
Chaque colonie est constituée d’une centaine d’individus. Une colonie est divisée en castes : les reines, les princes et princesses, les ouvrières et les soldats. Pour nos fourmis explosives, la plupart des colonies observées se situent dans la canopée, la zone supérieure de la forêt, à 60 m du sol. Une colonie se fragmente entre les arbres ou la litière environnante (feuilles et débris de végétaux en décomposition). D’après l’équipe de chercheurs du docteur Laciny, les ouvrières minors semblent constituer la caste la plus importante de C. explodens d’une taille comprise entre 4 mm et 7 mm, alors que les ouvrières majors sont finalement peu nombreuses et possèdent une taille allant de 7 mm à 8 mm. Les chercheurs ont pu observer que ces fourmis étaient principalement actives la nuit lorsque la température la plus élevée se situe entre 24 et 28.8 °C. Il a été observé que seule la caste des minors était présente en dehors du nid. Celles-ci passant de longs moments à patrouiller, débarrasser les feuilles de leurs débris et autres petits insectes. Cependant, le mode de nutrition de cette espèce n’a toujours pas été déterminé.
Schéma scientifique vue latérale et dorsale de C. explodens caste ouvrière mineure.
Schéma scientifique vue latérale et dorsale de C. explodens caste ouvrière majeure.
Une fourmi C.explodens (la plus petite) se battant avec une autre et libérant sa sécrétion visqueuse en faisant exploser son abdomen.
Ce sont ces mêmes minors qui sont fortement enclines au sacrifice lorsqu’une menace surgit. Le contenu de la glande mandibulaire est libéré pendant l’autodestruction en contractant la partie gastrique jusqu’à la rupture de la fourmi et sa mort. La sécrétion est visqueuse, de couleur jaune, et a une odeur caractéristique épicée.
Un autre fait étonnant a été observé sur cette espèce, une symbiose avec une bactérie (du genre Blochmania) déjà décrite chez un autre genre de fourmis. Ceci fera l’objet de prochaines publications scientifiques.
Lorsqu’une nouvelle espèce est décrite, cela fait appel à plusieurs disciplines : la systématique, une discipline scientifique permettant l’inventaire des organismes vivants, existants ou ayant existé ; la nomenclature, ce qui permet de lui attribuer un nom cohérant avec sa filiation, et non utilisé ; la phylogénie moléculaire, qui étudie les séquences d’ADN des êtres vivants en les comparant à une base de données ; la morphométrie, l’étude des caractéristiques physiques ; et surtout leur écologie.
C’est le travail qu’ont mené ici Alice Laciny et son équipe sur le cas de la fourmi explosive. Pour en savoir plus sur leurs découvertes, nous lui avons posé quelques questions.
Comment avez-vous découvert C. explodens ?
La présence de plusieurs espèces non décrites de « fourmis explosives » dans la forêt pluviale de Bornéo est connue depuis environ 10 ans grâce au professeur Dinah Davidson. Cette fourmi a été observée pour la première fois dans la littérature sous son surnom « goo jaune » en 2007.
Où les avez-vous trouvées dans un premier temps ?
Les premiers résultats se situaient sur les troncs d'arbres. Jusqu'à présent, elles ont été trouvées dans la canopée, mais aussi sur les arbres plus petits et dans des nids artificiels.
Comment les avez-vous collectées ?
Principalement, à l’aspirateur à bouche. Nous avons également essayé de les attraper à la main ou avec une pince, mais cela conduit à un comportement d'explosion.
A quel moment l’espèce a-t-elle eu son nom ?
L’espèce a reçu son nom officiellement scientifique et la description de ses castes dans notre publication de 2018.
Cette mission d’exploration et la description de cette espèce ont été menées à bien grâce à une forte pluridisciplinarité des chercheurs, mais aussi grâce à des partenariats internationaux. Il s’agit d’une pratique courante de nos jours dans le monde de la recherche. Cela favorise une approche plus vaste des études. Celle-ci, en particulier, a bénéficié d’un fort retentissement médiatique mondial grâce au terme « explosives », étonnant et intrigant pour le grand public. Afin de toucher le plus grand nombre, les chercheurs nomment actuellement certaines espèces avec des noms scientifiques à consonances connues, telle que la fougère inspirée par l’une des robes de Lady Gaga (Aleiodes gaga).
Photo de Lady Gaga et de la fougère A. gaga.
Ou mettent en avant leurs caractéristiques surprenantes comme le crabe yeti (Kiwa hirsuta).
Photographie du crabe yeti (Kiwa hirsuta).
Ces techniques permettent donc par un moyen détourné d’attirer l’attention du grand public sur les découvertes actuelles et de les impliquer indirectement dans l’exploration de notre biodiversité.
Sources :
1. Alice Laciny et al. Colobopsis explodens sp. n., model species for studies on “exploding ants” (Hymenoptera, Formicidae), with biological notes and first illustrations of males of the Colobopsis cylindrica group. 2018.
2. BA Butcher et al. A turbo-taxonomic study of Thai Aleiodes (Aleiodes) and Aleiodes (Arcaleiodes) (Hymenoptera: Braconidae: Rogadinae) based largely on COI barcoded specimens, with rapid descriptions of 179 new species. Zootaxa. 2012.
3. Shana K. Goffredi et al. Epibiotic bacteria associated with the recently discovered Yeti crab, Kiwa hirsute. Environmental microbiology. 2008.
4. https://blog.myrmecologicalnews.org/2018/05/29/colobopsis-explodens-a-new-exploding-ant/
5. https://www.nytimes.com/2018/04/23/science/exploding-ants.html.
6. https://www.nationalgeographic.com/news/2018/04/animals-ants-borneo-exploding-defense/
7. https://www.maxisciences.com/espece/ces-especes-portent-le-nom-de-celebrites-saurez-vous-deviner-lesquelles_art41587.html
8. https://fr.toluna.com/opinions/3770093/Le-crabe-y%C3%A9ti-...
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