Guérir du sida, l’espoir est permis

Guérir du sida, l’espoir est permis

Alors que cela fait 40 ans que le virus responsable du sida a été découvert par Luc Montagnier et Françoise Barré-Sinoussi, on assiste depuis 2012 à des cas de guérison sans rechute. Un troisième cas a été potentiellement recensé en mars dernier. Les avancées sont bien là, ce qui suscite un regain d’optimisme.



Depuis les années 1980, on observe une épidémie du VIH, le Virus de l’Immunodéficience Humaine, responsable du sida, le Syndrome d’Immunodéficience Acquise. Depuis cette propagation, 84 millions de personnes ont été contaminées et 40 millions sont décédées. En 2021, 38,4 millions de personnes atteintes par le VIH ont été recensées dans le monde, dont 180 000 en France. On estime que 28,7 millions de personnes ont accès à un traitement. En trouver un durable et à vie devient une urgence sanitaire. Pour y répondre, de nouvelles thérapies sont en cours de développement, comme la thérapie cellulaire ou des vaccins (voir l'article «Vaincre le VIH peut-être bientôt une réalité grâce au vaccin »).



Qu’est-ce que le sida ?

Le VIH est un rétrovirus humain sexuellement transmissible par voie anale et vaginale, par voie sanguine, lors d’une grossesse de la mère à l’enfant ou encore lors de l’allaitement de ce dernier. Le virus va infecter des cellules présentant à leur surface le récepteur CD4, une petite protéine d’une forme particulière, comme une clé qui trouve la bonne serrure. Il s’agit principalement des lymphocytes T CD4 (des cellules du système immunitaire), mais pas exclusivement (voir l'article « Les soldats de l'immunité en action »). Cela va provoquer une diminution de l’efficacité du système immunitaire, jusqu’à ce qu’il ne soit presque plus actif. D’autres maladies opportunistes, telles que la toxoplasmose ou la pneumocystose, vont alors s’installer et le corps ne sera pas en mesure de se défendre.

 

Lors de l’infection, le VIH ne sera responsable que de quelques symptômes communs à beaucoup d’autres maladies comme la fièvre, la fatigue, des éruptions cutanées… Va s’ensuivre une longue période sans symptômes où le système immunitaire s’affaiblit peu à peu. Sans traitement, il faut environ 10 ans pour que le stade le plus avancé de la maladie soit atteint, même si ce délai varie selon les personnes.

 

Le seul traitement existant consiste en l’association de traitements antirétroviraux, la trithérapie, pris à vie avec une lourde surveillance clinique et biologique. Il empêche le virus de se multiplier dans les cellules du patient, qui reste cependant toujours présent dans l’organisme. Lorsque les traitements sont correctement suivis, le patient peut avoir une vie normale, aller travailler, avoir une vie amoureuse, avoir des enfants… Il passe en dessous du seuil de détection du virus et il ne le transmet plus. Malgré tout, une femme enceinte, même sous traitement, peut transmettre le virus à son bébé, mais les risques demeurent très faibles. Une surveillance accrue est donc nécessaire. La meilleure protection contre le sida reste la prévention, en portant un préservatif lors des rapport sexuels et en réalisant des dépistages fréquents pour les personnes les plus exposées.



Ils ont guéri

Ils sont trois dans le monde à avoir guéri du sida. La disparition du VIH de leur organisme a été possible grâce à une transfection de moelle osseuse. Les patients, surnommés les patients de Berlin (considéré guéri en 2012), de Londres (considéré guéri en 2019) et de Düsseldorf (potentiellement considéré guéri en 2023), étaient tous atteints du VIH depuis de nombreuses années. Ils ont chacun développé un cancer du sang, une multiplication anormale des cellules du système immunitaire. A noter qu’il existe de nombreux cancers du sang différents et que chaque type cellulaire du système immunitaire peut être atteint.

 

Le schéma pour les trois patients est le même : après avoir découvert qu’ils étaient atteints du cancer, ils ont subi une greffe de cellules souches hématopoïétiques (cellules provenant de la moelle osseuse) avec une mutation protectrice contre le VIH. Les patients atteints d’un cancer du sang subissent initialement une greffe car les cellules du système immunitaire ont toutes pour origine ces cellules souches. Elles se différencient ensuite chacune en une nouvelle cellule (lymphocytes T, macrophages etc.) qui accompliront leur fonction propre. Le but est donc de repeupler l’organisme du patient avec des cellules saines.

 

Suite à la greffe, les patients ont continué de prendre leur traitement antirétroviral pendant quelques années avant de l’arrêter. Le patient de Berlin a arrêté le sien en 2009, celui de Londres en 2017 et celui de Düsseldorf en 2018. Un patient peut rester pendant une plusieurs années « indétectable » au virus, c’est-à-dire que qu’il est toujours présent dans son organisme mais ne se multiplie pas. Les médecins gardent donc les patients sous surveillance et font des analyses régulières afin de détecter la présence du virus. Pour les patients de Londres et de Berlin, cela fait (ou faisait pour le patient de Berlin, décédé des suites d’une rechute du cancer et non du VIH) plusieurs années qu’il n’a été détecté aucune trace du virus, même dormant. Pour le patient de Düsseldorf, sa guérison est à nuancer, 4 ans après l’arrêt de son traitement, il reste en bonne santé mais des examens complémentaires sont nécessaires.

 


La mutation protectrice

Afin de pénétrer dans les lymphocytes T CD4, le VIH identifie deux récepteurs : le CD4 et le CCR5. Le VIH s’en sert pour respectivement reconnaître et pénétrer dans la cellule afin d’en détourner la machinerie et de se multiplier.


Schéma de l’infection d’un lymphocyte T par le VIH. Le virus va reconnaître le récepteur CD4 et pénétrer dans la cellule par le corécepteur CCR5, puis détourner la machinerie cellulaire afin de se dupliquer.
(source : adapté de https://smart.servier.com/ )


Certaines personnes présentent une mutation génétique protectrice au VIH. La partie du génome du corécepteur CCR5 peut posséder une délétion nommée delta32 (Δ32) rendant le récepteur CCR5 défaillant. Cela veut dire qu’il manque un petit bout d’information dans le génome et, comme lorsqu’il manque une couleur dans l’imprimante, l’impression ne sera pas complète. Ici, la protéine ne sera pas bien imprimée et il en manquera un morceau. Le récepteur n’a pas la configuration lui permettant d’être exprimé à la membrane des cellules à côté des récepteurs CD4. Le virus ne peut pas pénétrer à l’intérieur de celles-ci.



Schéma d’un lymphocyte T CD4 possédant la mutation delta 32. Le VIH va reconnaître la cellule car celle-ci possède toujours le récepteur CD4, mais il ne va pas pénétrer à l’intérieur de la cellule. Le corécepteur CCR5 est muté, la protéine n’est pas complète, elle ne va donc pas se positionner à la surface de la cellule et elle sera dégradée.
(source : adapté de https://smart.servier.com/ )


Les personnes présentant cette mutation sont donc immunisées contre le VIH. Un patient atteint du virus qui subit une greffe de cellules souches hématopoïétiques porteuses de la mutation Δ32 pourra développer une immunité face au virus. Le patient va produire des lymphocytes T CD4 sans le récepteur CCR5, protégeant l’individu contre le virus. Au-delà de la greffe, de nombreux laboratoires mènent des études sur de nouvelles molécules ciblant ce récepteur afin de le bloquer, dans le but de développer de nouveaux traitements antirétroviraux.

 


Et les autres traitements ?

Au vu de la complexité du mode d’action du virus, les chercheurs ne se limitent pas qu’à un seul traitement. Nous venons de voir une piste prometteuse de thérapie cellulaire qui nécessitera encore des années de recherche, de test et de validation avant de maîtriser pleinement son action, un panel de seulement 3 patients est loin d’être suffisant pour prétendre à une solution miracle. De nombreuses autres greffes avec des mutations différentes ont déjà été effectué sur d’autres patients sans aboutir. Par ailleurs, il est important de souligner qu’une greffe reste une opération lourde et réalisable uniquement sur des patients atteint d’une maladie hématologique grave. Ce que cette découverte pourrait impliquer c’est surtout une nouvelle piste de recherche et le fait de montrer qu’il est effectivement possible de guérir du VIH.


La recherche porte également sur des vaccins, préventifs et thérapeutiques. Les scientifiques tentent de mettre au point des vaccins préventifs afin de vacciner la population pour qu’elle ne puisse plus se faire infecter. Il s’agit là de la meilleure solution pour contrôler et éradiquer l’épidémie. Pour le moment, la conception d’un tel vaccin reste particulièrement difficile à envisager en raison de la complexité du virus, de ses mutations à répétition et du fait que les cellules infectées font partie du système immunitaire.


Une autre approche prometteuse, ce sont les vaccins thérapeutiques. Ils seraient injectés aux personnes déjà atteintes du virus. Cela permettrait d’obtenir une guérison du patient sans traitement. Il s’agirait de stimuler la réponse immunitaire pour qu’il y ait une remontée des cellules gendarmes (voir l'article « Thymus et éducation lymphocytaire ») pour maîtriser le virus. De grands progrès ont été faits ces dernières années, ce qui suscite l’espoir d’éradiquer un jour totalement cette catastrophe sanitaire mondiale.




Sources :

 

1)   Björn-Erik Ole Jensen et al. In-depth virological and immunological characterization of HIV-1 cure after CCR5Δ32/Δ32 allogeneic hematopoietic stem cell transfection. Nature medicine. 2023.

2)   Sébastien Janvier et Nikolaus Heveker. Mystère sur l’origine de la sélection du génotype CCR5Δ32, protecteur contre le virus de l’immunodéficience humaine. Médecinesciences. 2005.

3)   Eleftheria Kampouri et al. VIH : prévention, traitement et perspectives. Revue Medical Suisse. 2020

4)   https://www.santepubliquefrance.fr/maladies-et-traumatismes/infections-sexuellement-transmissibles/vih-sida/la-maladie/#tabs

5)   https://www.inserm.fr/dossier/sida-et-vih/

6)   https://theconversation.com/vaccin-anti-vih-bientot-le-bout-du-tunnel-107540

7)   https://www.apmnews.com/freestory/10/332661/vih-le-patient-de-londres%2C-deuxieme-cas-de-remission-durable-apres-une-greffe-de-moelle-osseuse

8)   https://www.apmnews.com/freestory/10/393183/vih-probable-guerison-du-patient-de-dusseldorf%2C-toujours-en-bonne-sante-apres-4%C2%A0ans-sans-traitement

9)   https://www.anrs.fr/fr/actualites/1258/troisieme-cas-probable-de-guerison-du-vih-grace-une-greffe-de-moelle-osseuse#:~:text=Outre%20le%20problème%20de%20compatibilité,aux%20traitements%20de%20cancers%20mortels

10) https://www.apmnews.com/freestory/10/144025/la-mutation-delta-32-dans-ccr5-qui-protege-contre-le-vih-serait-apparue-sous-la-pression-d-epidemies-de-peste-hemorragique

11) https://www.le-cortex.com/media/articles/vaincre-le-vih-peut-etre-bientot-une-realite-grace-au-vaccin

12) https://www.le-cortex.com/media/articles/les-soldats-de-limmunite-en-action

13) https://www.le-cortex.com/media/articles/thymus-et-education-lymphocytaire

 


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6 m
10 mai 2023
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