Herbicides : si c’est flou c’est qu’il y a un loup

Herbicides : si c’est flou c’est qu’il y a un loup

Le glyphosate est l’herbicide actuellement le plus utilisé dans le monde. Ses propriétés ont été découvertes par Monsento en 1970 qui l’a commercialisé pour la première fois en 1974 sous le nom de Roundup. En 2014, 820 000 tonnes de glyphosate ont été utilisées dont 10 070 tonnes sur le territoire français. Encore aujourd’hui, et ce malgré les organismes et associations qui se multiplient, les études concernant son impact sur la santé et l’environnement restent fortement incomplètes.

 



La complexité de la toxicité

Avant de savoir si le glyphosate et les autres pesticides sont toxiques et ont un impact négatif sur notre santé et notre environnement, il est important de savoir ce que les scientifiques entendent par toxique. Un élément est toxique à partir d’une certaine dose où des changements biologiques ont des conséquences néfastes sur notre santé. Celle-ci varie à la fois en fonction de l’élément (chocolat ou cyanure…), mais aussi de la quantité absorbée. Il faut par exemple plus de chocolat que de cyanure pour commencer à avoir un problème. Néanmoins les deux sont néfastes, seulement pas dans les mêmes proportions.

 


Le glyphosate et ses copains

Il est souvent à base de pétrole oxydé et n’est jamais utilisé seul en agriculture. Il est mis en présence d’éléments permettant de le diluer, comme lorsque l’on délaye un sucre dans un verre d’eau. Le glyphosate est mis également en présence d’activateurs afin d’être pleinement opérationnel. Celui-ci agit sur une molécule bien particulière chez les végétaux, bactéries et certains champignons. Cette activation effectuée, le glyphosate pourra alors pénétrer la plante pour mieux la « détruire ».

Schéma de la composition d’un herbicide


Les éléments que l’on ajoute au glyphosate pour l’élaboration du pesticide sont appelés les formulants. Ce sont eux qui, une fois pulvérisés sur la plante, vont rentrer dans les cellules et provoquer leur mort en empêchant la respiration cellulaire qui est un mécanisme permettant de produire de l’énergie. Leur rôle est bien documenté contrairement au glyphosate dont on connaît mal le mécanisme d’action.

Encore aujourd’hui, l’un des problèmes majeurs des études disponibles, en plus de leur nombre limité, des multiples incohérences et imprécisions, est que la toxicité des herbicides a surtout été évaluée en ne prenant en compte que le glyphosate seul, et non avec les éléments avec lesquels il est mélangé.

 


Les problèmes engendrés par les herbicides

Etant utilisé en grande majorité dans le domaine de l’agriculture, les épandages s’effectuent de façon massive. Il est donc nécessaire aux cultures qui vont les recevoir d’y résister. Par conséquent le glyphosate et les formulants sont en majorité appliqués sur des cultures génétiquement modifiées (OGM).

Un autre problème soulevé par les organismes écologiques et études montre que ces importantes dispersions d’herbicides favorisent la résistance de certaines plantes « néfastes » pour les cultures. Imaginons que dans votre champ ou votre jardin, un type de plante vous déplaise. Vous allez chercher à l’éliminer avec un herbicide. Suite à votre pulvérisation, une seule petite pousse restera. Vous n’y ferez sûrement pas attention au début, mais il s’agit de la pousse résistante. Lorsque celle-ci va se reproduire, votre herbicide ne suffira plus, il faudra alors augmenter sa concentration (pour que celui-ci soit plus efficace). Ce mécanisme peut se répéter à l’infini. Pulvériser des herbicides induit donc l’émergence de plantes très résistantes, ce qui peut provoquer de forts impacts écologiques et environnementaux.


Schéma du processus de résistance des plantes aux herbicides

 

En 2017, les pesticides étaient retrouvés dans 80 % de la masse d’eau souterraine dont un quart dépasse le seuil réglementaire de 0.5µg/L. Divers éléments sont actuellement contaminés en plus des jardins et parcelles agricoles. Il y a des résidus dans la poussière des maisons, sur les routes, les chemins de fer, dans les aéroports et les aliments.

 


Focus sur le glyphosate

Cette année l’INSERM, un organisme de recherche français, a publié une importante expertise collective sur le sujet des pesticides et leurs effets sur la santé. Afin de réaliser ce rapport, 5 300 documents ont été rassemblés et étudiés. Dans celui-ci, le lien entre le glyphosate, les troubles anxio-dépressifs, la maladie de Parkinson, les maladies rénales chroniques étiologiques, la durée de grossesse, la taille d’un nouveau-né, les malformations congénitales et les troubles neurocomportementaux ont été étudiés. Cependant, comme le signalent de nombreuses études, la nature des données, les imprécisions, les faibles populations de personnes étudiées (parfois moins d’une centaine) ou les incohérences des conclusions ne permettent pas d’établir de lien sûr. Dans ce rapport des pistes et des recommandations sont effectuées afin d’obtenir de meilleures conclusions. Certaines maladies sont toutefois classées comme potentiellement liées aux pesticides ou fortement suspectées comme le lymphome non Hodgkinien, qui est lié à une altération génétique.



Couverture du rapport de l’INSERM sur « Les pesticides et effets sur la santé »


Comment fonctionne le glyphosate ?

Cette molécule est utilisée dans le but de bloquer la production d’acide aminé chez les plantes. Les acides aminés sont les constituants de nos protéines. En fonction de leur assemblage et de la forme que ce collier de perles va avoir, on aura une protéine avec une fonction bien spécifique. Comme dit précédemment, le glyphosate agit chez les plantes, les bactéries et certains champignons car eux seuls possèdent le gène sur lequel le glyphosate va pouvoir agir.



Schéma d’action du glyphosate dans une bactérie

 

Or il a été démontré qu’un lien existait avec la perturbation endocrinienne et la toxicité mitochondriale. La perturbation endocrinienne se « résume » par un bouleversement des hormones et de leur système. Ici il s’agit notamment de la perturbation des voies de signalisation liées à l’hormone féminine, l’œstrogène. Quant à la toxicité mitochondriale, c’est la chaîne permettant la production d’énergie de la cellule qui est impactée.

Une étude qui demanderait confirmation concernerait le dérèglement de la concentration des molécules permettant à nos neurones de communiquer et de transmettre les informations (les neurotransmetteurs). Cela pourrait donc avoir un impact sur les troubles comportementaux.

Une altération de notre microbiote, où l’on retrouve les bactéries intestinales, a en revanche été démontrée. Le glyphosate impactant certaines bactéries, celles se trouvant dans notre corps et travaillant avec nous peuvent ainsi en faire les frais.

 


Une mobilisation et une prise de conscience croissante

Ces dernières années, la volonté de mieux comprendre les effets des pesticides sur l’environnement et l’Homme a pris de plus en plus de place.

La mobilisation autour de la santé au travail avec les travailleurs agricoles, les locaux des zones de culture, les militants environnementaux et les professions de droit associé est de plus en plus importante. La montée sociale, économique et politique des zones rurales comme agricoles permet une prise de parole hors des publications scientifiques.

A terme il serait capital de donner plus de place dans les médias à ce sujet mais également de compléter de nombreuses études comme les aspects socio-économiques des pesticides, jusqu’ici très peu abordés.

Les études épidémiologiques qui concernent l’étude des populations et la mise en place de statistiques ont servi jusqu’ici d’importants signaux d’alarme sur la situation mais sont encore trop faiblement pris en compte. A suivre donc… de près.

 

Pour aller plus loin, retrouver le podcast Micro-Cortex de Thomas Le Hetet " Pesticides, le dur retour à la réalité"



Sources :

1.  Agostini, L. P. et al. Effects of glyphosate exposure on human health: Insights from epidemiological and in vitro studies. Science of The Total Environment 705, 135808 (2020).

2.  Connolly, A. et al. Exposure assessment using human biomonitoring for glyphosate and fluroxypyr users in amenity horticulture. International Journal of Hygiene and Environmental Health 220, 1064–1073 (2017).

3.  Zhang, L., Rana, I., Shaffer, R. M., Taioli, E. & Sheppard, L. Exposure to Glyphosate-Based Herbicides and Risk for Non-Hodgkin Lymphoma: A Meta-Analysis and Supporting Evidence. Mutat Res 781, 186–206 (2019).

4.  Gasnier, C. et al. Glyphosate-based herbicides are toxic and endocrine disruptors in human cell lines. Toxicology 262, 184–191 (2009).

5.  Pesticides et santé – Nouvelles données (2021). Inserm - La science pour la santé https://www.inserm.fr/information-en-sante/expertises-collectives/pesticides-et-sante-nouvelles-donnees-2021.

6.  Gillezeau, C. et al. The evidence of human exposure to glyphosate: a review. Environ Health 18, 2 (2019).

7.  Gillezeau, C. et al. The evidence of human exposure to glyphosate: a review. Environ Health 18, 2 (2019).

8.  Caiati, C., Pollice, P., Favale, S. & Lepera, M. E. The Herbicide Glyphosate and Its Apparently Controversial Effect on Human Health: An Updated Clinical Perspective. Endocr Metab Immune Disord Drug Targets 20, 489–505 (2020).

9.  Defarge, N., Spiroux de Vendômois, J. & Séralini, G. E. Toxicity of formulants and heavy metals in glyphosate-based herbicides and other pesticides. Toxicology Reports 5, 156–163 (2018).

 


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