La dépression : plus qu’un simple coup de blues

La dépression : plus qu’un simple coup de blues

Lorsque l’on pense « dépression », on pense « déprime ». Mais ça n’est pas exactement la même chose. La déprime correspond à un coup de blues, un passage à vide, un manque de motivation, un découragement… Les symptômes sont moins sévères, et la déprime est passagère. La dépression est un trouble du comportement où l’humeur est bloquée et figée dans la tristesse et la douleur.



La dépression correspond à une souffrance ressentie et à un dysfonctionnement social important. La tristesse que l’on ressent lorsque l’on est dépressif va difficilement baisser en intensité, même s’il se passe de bonnes choses dans notre environnement. Cette maladie a un impact lourd sur le fonctionnement social, sur la santé, et peut être cause de décès. La dépression est particulière car, en plus de ces excès d’affects négatifs, il y a un défaut d’affects positifs, c’est-à-dire qu’en plus de ressentir de la tristesse et de la douleur, on se retrouve dans l’incapacité à éprouver du plaisir : c’est l’anhédonie.



La dépression : premier trouble psychiatrique

Il s’agit du trouble psychiatrique le plus fréquent : 1 personne sur 5 (et 5 à 15% de la population française) fera un épisode dépressif au cours de sa vie, avec un ratio de 2 femmes pour 1 homme. La dépression peut toucher toutes les catégories : enfants, adultes, personnes âgées… Aujourd’hui, on estime que 3 % des enfants sont touchés par cette maladie. Avec l’avènement des réseaux sociaux, cette prévalence augmente de 10 à 15% chez l’adolescent et est de plus en plus présente chez les pré-adolescents (avec une augmentation des suicides). On retrouve le même pourcentage chez les personnes âgées.

Proportion d'adolescents souffrant de dépression ou d'un faible bien-être psychologique, selon le nombre d'heures par jour d'utilisation des médias sociaux ou du smartphone (Source : Twenge, J. Increases in Depression, Self-Harm, and Suicide Among U.S. Adolescents After 2012 and Links to Technology Use: Possible Mechanisms (2020). Psychiatric Research and Clinical Practice)


En fonction de l’âge, la dépression peut avoir des signes d’appel spécifique. Chez l’enfant et l’adolescent, elle peut être associée à une anxiété inhabituelle, au développement de comportements violents ou d’une phobie scolaire. L’adolescent peut avoir des comportements et des consommations à risque. Chez la personne âgée, la dépression peut se traduire par un repli sur soi, des plaintes physiques et le refus de l’aide extérieure.

 

La dépression touche 1 personne sur 5 (Source : Inserm)

 


D’où vient la maladie ?

La dépression peut faire suite à des événements difficiles (décès, perte d’emploi, séparation…) et des traumatismes infantiles précoces (traumatismes affectifs ou sexuels), qui sont des facteurs de risques. Cependant, certaines personnes ne souffrent pas de dépression suite à ces évènements, et d’autres peuvent faire une dépression sans facteur déclenchant  (dépression endogène). Nous avons tous une sensibilité différente face à cette maladie. Certains chercheurs l’expliquent par une vulnérabilité génétique. En effet, un individu a 2 à 4 fois plus de risque de présenter une dépression au cours de sa vie si un de ses parents en a souffert.

La dépression est d’origine plurifactorielle, avec des interactions entre gènes et particularités génétiques, et environnement avec ses facteurs de risques. Les deux sont intimement liés : certaines personnes développent davantage de dépressions et d’idées suicidaires après des stress précoces (menaces, abandon, violences, abus pendant l’enfance) et ont des "versions courtes" du gène codant pour le transporteur à la sérotonine (neurotransmetteur).

 Impact du stress qui déséquilibre les neurotransmetteurs (sérotonine, noradrénaline & dopamine. La transmission d'informations entre les neurones est perturbée (Source : depression.ch)



Les neurotransmetteurs permettent aux neurones de communiquer entre eux. Dans la dépression, on remarque un défaut de la neurotransmission par la sérotonine, la noradrénaline et la dopamine mais pas que : il y a un défaut de sécrétion du BDNF (Brain-Derived Neurotrophic Factor, facteur neurotrophique dérivé du cerveau en français) qui est un facteur essentiel à la prolifération, la différenciation et la survie des neurones. Le BDNF favorise la neurogénèse, c’est-à-dire la formation de nouveaux neurones, et favorise la connexion entre elles (les synapses). Pas de synapse, pas de mémoire, pas d’apprentissage etc. Ce défaut est principalement dû à deux choses :

- Un déséquilibre de la balance glutamate/GABA, à l’origine d’une altération de la neuroplasticité chez la personne dépressive, avec une incapacité à former de nouveaux neurones, notamment au niveau de l’hippocampe (ce qui va impacter la mémoire).

- Un déficit dans la régulation du système de réponse au stress (situé dans l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien), qui conduit à une sécrétion trop élevée de cortisol (l’hormone du stress, toxique en trop grande quantité). Cela peut provoquer une désorganisation, dégénérescence neuronale dans l’hippocampe, et impacter la production du BDNF.


Structure cérébrale impliquée dans la dépression : modification structurale et fonctionnelles, rôle dans la symptomatologie dépressive. (Source : neuroplasticite.com)



Une pluralité de symptômes

Dans la 5e édition du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM V), la dépression se définit par deux aspects :

- La présence de symptômes caractéristiques :

Soit la présence d’une humeur dépressive, souvent caractérisée par une tristesse pathologique quasi-permanente et intense, une anxiété marquée et parfois une indifférence affective. Cette humeur dépressive est liée à une douleur morale profonde, une perte de l’estime de soi et un pessimisme majeur, parfois associé à des idées de culpabilité inappropriées.

Soit/et une perte d’intérêt ou de plaisir à l'égard des activités quotidiennes, même plaisantes (anhédonie). Les autres caractéristiques sont : perte ou gain de poids significatif ; troubles du sommeil (insomnie en deuxième partie de nuit, réveil matinal précoce) ; agitation ou ralentissement psychomoteur ; fatigue importante (asthénie) ; sentiments de dévalorisation, de culpabilité parfois délirants ; difficultés à penser, se concentrer, être attentif et prendre des décisions, avec des troubles de la mémoire ; et des pensées de mort, idées suicidaires récurrentes.

- Les conséquences sont une souffrance importante ou une altération du fonctionnement social, professionnel, et personnel.

Le diagnostic se pose lorsqu'une personne présente une humeur dépressive ou une anhédonie, associée à au moins 4 autres des symptômes décrits ci-avant, tous les jours depuis au moins 2 semaines, et ce en présence d’un retentissement des symptômes et d’une souffrance associée. L’intensité de l’épisode dépressif est souvent liée au nombre de symptômes présents. Des échelles d’autoévaluation (évaluation par le patient) ou d’hétéro-évaluation (par le médecin) évaluent plus précisément la sévérité de ces symptômes : échelle de dépression de Hamilton (HDRS), échelle de Goldberg, échelle de dépression de Montgomery et Asberg (MADRS)...

La dépression est une maladie souvent liée à d’autres troubles psychiatriques, comme les troubles anxieux ou addictifs, et à des maladies physiques. La première cause de décès des personnes dépressives est cardiovasculaire. La dépression peut concerner jusqu’à 40% des personnes souffrant de maladie chronique: diabète, cancer, fibromyalgie, alcoolisme, état de stress post-traumatique, troubles du comportement alimentaire. Elle doit alors aussi être prise en charge, car elle altère le pronostic de ces personnes.



Une prise en charge importante

Une prise en charge rapide est nécessaire, en raison du risque de rechute de 80%, ainsi que du risque de suicide élevé (multiplié par 30 au cours de l’épisode dépressif, dont 10 à 20 %  de passage à l’acte). Le risque de décès par suicide est 10 fois plus élevé que chez une population non malade, et est la 1re cause de décès chez les 15-29 ans.

5 à 20 % des patients dépressifs de suicident (Source : Inserm)


L’association de traitements biologiques (les médicaments antidépresseurs, la sismothérapie, la stimulation magnétique transcrânienne, etc.) et de traitements psychothérapiques (thérapies cognitivo-comportementales) bien conduits permet de soigner efficacement le trouble dépressif caractérisé et d’éviter la survenue de nouveaux épisodes.

Des traitements efficaces dans 70% des cas (Source : Inserm)


Il est aussi important

- d’informer l’entourage, qui peut avoir l’impression d’un manque de réaction de la part de la personne malade, d’une absence de sa part à vouloir guérir. L’entourage essaie de la raisonner, mais la maladie ne lui permet pas de réagir. Il faut donc éduquer.

- d’informer sur l’importance d’une bonne hygiène de vie, car la dépression conduit souvent à négliger sa santé, à une consommation d’alcool ou de substances psychoactives (drogues, médicaments) plus élevée et à risque quant aux pathologies cardio-vasculaires.

Il faut également agir sur le plan sociétal car la dépression est aussi liée à une qualité de vie médiocre, aux répercussions coûteuses : l’OMS estime que la dépression sera dans les années à venir au premier rang de l’ensemble des maladies en termes de dépenses globales, directes et indirectes pour la société, d’autant plus au sortir du COVID-19.

Il est plus que jamais temps de prendre soin les uns des autres.

 






Références :

1.      American Psychiatric Association. (2013). Diagnostic and statistical manual of mental disorders (5th ed.). Washington, DC: Publisher.

2.      Twenge, J. Increases in Depression, Self-Harm, and Suicide Among U.S. Adolescents After 2012 and Links to Technology Use: Possible Mechanisms (2020). Psychiatric Research and Clinical Practice) https://www.researchgate.net/publication/340234729_Increases_in_Depression_Self-Harm_and_Suicide_Among_US_Adolescents_After_2012_and_Links_to_Technology_Use_Possible_Mechanisms

3.      https://www.inserm.fr/information-en-sante/dossiers-information/depression

4.      https://www.has-sante.fr/jcms/c_1739917/fr/episode-depressif-caracterise-de-l-adulte-prise-en-charge-en-premier-recours

5.      https://institutducerveau-icm.org/fr/depression/

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27 juillet 2021
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