La révolution des ciseaux à ADN

La révolution des ciseaux à ADN

L’histoire de CRISPR débute au Japon à la fin des années 1980. Une équipe de recherche va le découvrir sous la forme d’ADN dans une bactérie : Escherichia coli.


Photographie par microscopie (technique non décrite par les chercheurs) de la bactérie Escherichia coli. (Source : http://www.pasteur.fr/fr/journal-recherche/actualites/organisation-multi-echelle-du-genome-escherichia-coli.)


Ce n’est que dans les années 2000 que l’on découvre que ce CRISPR est l’équivalent de notre système immunitaire chez ces bactéries. Il leur permet de se défendre contre les virus en patrouillant tels des soldats entre les cellules. Le système CRISPR, associé à une protéine Cas9, cible les virus et les « détruit » en les coupant, empêchant ainsi l’infection.


Grâce à la chercheuse française Emmanuelle Charpentier, professeure à l’Université d’Umeå en Suède, le retentissement de CRISPR Cas9, dans le cadre notamment médical et pharmaceutique, a été mondial. À la suite de ses travaux en génétique récompensés par deux fois en 2016 (prix Leibniz et prix de la fondation Paul Ehrlich), la chercheuse a démontré que ce système CRISPR Cas9 pouvait découper notre ADN afin d’en éliminer « des morceaux » ou d’en rajouter. Cette méthode totalement révolutionnaire offre de très nombreuses possibilités.


L’engouement provoqué par une telle technologie a rapidement engendré des enjeux financiers importants avec la création d’entreprises de biotechnologie et de start up mettant sur le marché des produits dérivés de CRISPR, mais également avec l’ouverture de nouveaux projets en recherche fondamentale.


D’après The Journal of Gene Medicine, les travaux associés à cette forte avancée en thérapie génique (introduction d’un matériel génétique pour soigner une maladie) sont les suivantes, présentées dans le diagramme ci-dessous.



 Mais que sont exactement ces ciseaux à ADN et comment fonctionnent-ils ?


En anglais CRISPR signifie clustered regulatory interspaced short palindromic repeats, soit courtes répétitions en palindrome regroupées et régulièrement espacées. Cela implique trois types de système CRISPR, le système de type II étant le plus utilisé à des fins thérapeutiques. C’est celui que nous allons étudier.


CRISPR utilise deux outils : un ARN (modifiable) choisi par les chercheurs ciblant le gène que l’on veut éliminer ou modifier. Cet ARN modifiable fonctionne comme un tueur à gage à la recherche de sa cible, celle-ci étant la zone de l’ADN qui doit être changé. On retrouve également un second ARN (guide), propre à CRISPR et qui ne change pas.


Schéma du système CRISPR Cas9. En noir la partie qui ne change pas. En marron la partie ciblant la zone de l’ADN que l’on veut modifier. Cas9 coupe le double brin d’ADN.


Tout ceci est associé à une autre molécule appelée nucléase, et baptisée Cas9. Cette molécule a pour fonction de couper l’ADN, tels des ciseaux.



Le système CRISPR Cas9 se fixe alors sur l’endroit cible de l’ADN et va y couper les deux brins d’ADN. Avec ce mécanisme il est donc possible de couper à deux endroits des doubles brins d’ADN afin de les retirer ou d’introduire de nouveaux « morceaux » pour exprimer un nouveau gène au sein de la cellule.


Schéma de l’élimination d’une partie de l’ADN par le système CRISPR Cas9. En bleu la partie qui sera éliminé.


Schéma de l’insertion d’une partie de l’ADN par le système CRISPR Cas9. En bleu la partie qui sera éliminé et en violet la partie qui sera rajoutée.


CRISPR Cas9 est introduit dans une cellule par les chercheurs en insérant l’ADN de celui-ci dans de l’ADN bactérien (un plasmide) ou de l’ADN viral (AAV). Le tout sera alors injecté telle une piqûre dans la cellule afin d’entrer en action.


Schéma d’un contenant d’ADN viral (bactériophage) où le code pour « créer » CRISPR dans la cellule une fois injecté est stocké.


On peut donc cibler n’importe quelle région de nos gènes et y appliquer des thérapies géniques. En effet, son efficacité et sa particularité sont que les modifications créées au sein d’une cellule se transmettent aux futures cellules (celles provenant de la différenciation cellulaire).


Or CRISPR n’a pas que des applications pour soigner des maladies telles que la mucoviscidose ou des formes de cancers. CRISPR Cas9 peut être utilisé afin de créer des OGM, que ce soit des plantes pour résister à des insectes ou même modifier des insectes comme des moustiques anti-paludisme afin d’éliminer par sélection naturelle les moustiques porteurs de la maladie. La création modèles animaux de laboratoire afin d’étudier spécifiquement plusieurs caractéristiques ou maladies ont aussi été créés. Mais également dans la même branche, la « culture » d’organes humains chez les cochons pour des greffons. Ou encore ressusciter des espèces disparues comme le mammouth. Ceci n’a pas encore été réalisé mais des travaux sont en cours. Toutes ces recherches sont réalisées grâce à ce système CRISPR Cas9.


Cet engouement n’engendre pas uniquement des travaux scientifiques éthiques. On pourrait citer en exemple les jumelles chinoises modifiées génétiquement pour résister au VIH, qui ne le seraient en réalité que partiellement.


Cette technologie est donc très intéressante mais à suivre avec attention afin de ne pas tomber dans des dérives.


Afin d’avoir des informations complémentaires sur ce sujet, voici ci-dessous une vidéo de la chaîne Dirty Biology sur l’eugénisme.




Sources :


1. Bertrand Jordan. Chroniques génomiques. CRISPR-Cas9, une nouvelle donne pour la thérapie génique. Médecine/Sciences. 2015.
2. Bertrand Jordan. Chroniques génomiques. Les débuts de CRISPR en thérapie génique. Médecine/Sciences. 2016.
3. Hélène Gilgenkrantz. La révolution des CRISPR est en marche. Médecine/Sciences. 2014.
4. Jacques P. Tremblay. CRISPR, un système qui permet de corriger ou de modifier l’expression de gènes responsables de maladies héréditaires. Médecine/ Sciences. 2015.
5. https://www.leparisien.fr/societe/des-chercheurs-sur-le-point-de-ressusciter-le-mammouth-laineux-03-05-2018-7696872.php
6. https://www.futura-sciences.com/sante/questions-reponses/crispr-cas9-crispr-8-applications-edition-genetique-12228/


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24 octobre 2020
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