L’autisme, un focus sur la génétique

L’autisme, un focus sur la génétique

Le trouble du spectre autistique, ou TSA, concerne un groupe de divers troubles touchant au développement du cerveau et de ses neurones. Plus courant que l’on ne le pense, cela concerne aujourd’hui un enfant sur 59. Avec les progressions de la médecine et de la recherche, nous savons aujourd’hui que l’autisme est fortement lié à la génétique.

 



Le trouble du spectre autistique est large, et il regroupe diverses caractéristiques comme des troubles sensoriels. La personne peut avoir un toucher plus sensible, des déficits sociaux, ce qui peut se traduire par des difficultés à communiquer avec d’autres individus, des troubles de coordination moteur, qui peuvent engendrer des gestes répétitifs, de l’anxiété mais aussi un déficit de l’attention et de l’hyperactivité. Enfin des troubles gastro-intestinaux peuvent se manifester. Le TSA couvre trois domaines comportementaux spécifiques : les interactions sociales, la communication linguistique, ce qui comprend les jeux imaginatifs, et les gammes d’intérêt et d’activités.

Chaque spectre autistique est différent et ce selon diverses caractéristiques comme la génétique, l’épigénétique et l’environnement. On parle alors de maladie hétérogène. Malgré que tous ont plus ou moins des points communs, chaque type est différent, voire même propre à un individu.

 


Zoom sur les gènes

D’un point de vue génétique, il s’agit d’une maladie causée par des facteurs héréditaires et dits de novo.

Une fois que l’on a zoomé au fin fond des cellules et de leur noyau pour observer tout cela de plus près, on constate qu’il y a une multitude de gènes liés au TSA. Cela peut être des variations du nombre de copies d’un gène (CNV) (celui-ci se serait peut-être un peu trop enflammé et se serait répandu plus que nécessaire).

Schéma d’une duplication chromosomique


On retrouve également des mutations de gène, comme des délétions. Notre ADN étant composé de deux brins, de ce que l’on appelle des nucléotides, enroulés en double hélice, dans le cas d’une délétion, il peut y avoir carrément une suppression d’un nucléotide. Ce qui soit arrête la lecture du code de l’ADN, soit les ouvriers chefs de notre noyau cellulaire essaient de faire avec tant bien que mal. Des inversions de nucléotides sont aussi possibles.

Schéma d’une délétion d’un nucléotide


Toujours dans la machinerie de l’information génétique, dans le cas de TSA, on peut retrouver et détecter ce que l’on appelle des translocations. Il s’agit de deux chromosomes de deux paires bien distincts, par exemple les chromosomes 9 et 11 qui, contre toute attente, vont s’échanger des bouts (chose qui en temps normal n’a pas lieu).

Schéma d’une translocation entre le chromosome 9 et 11


Ces modifications de structure de chromosomes peuvent conduire à des aberrations et démontrent que le TSA est également relié à d’autres anomalies comme le syndrome de Down dit trisomie 21 (voir l’épisode 2 de Bienvenue chez nos chercheurs), le syndrome de Turner (un chromosome X), le syndrome de Klinefelter (trois chromosomes X : XXX) et le syndrome XYY. On appelle cela de l’aneuploïdie. De nombreuses variables génétiques sont liées au TSA et associées à d’autres pathologies neurodéveloppementales (comme la schizophrénie). Il est donc difficile d’étudier les risques génétiques.

En 2020, 215 gènes ont été identifiés comme étant impliqués dans le TSA. Au sein de ceux-ci 42 de ces gènes sont directement impliqués dans les modifications épigénétiques.

 


L’épigénétique, le ON / OFF de nos gènes

L’épigénétique est une modification de gènes sans modification de l’ADN. Ce processus est naturel et nécessaire au bon fonctionnement de notre organisme. Cela agit un peu comme un interrupteur que l’on basculerait en ON ou en OFF en fonction des gènes que l’on souhaite exprimer. Mais voilà, dans certains cas cela peut causer des troubles comme pour le TSA.



Dans le cas de l’épigénétique, on peut retrouver de la méthylation de l’ADN. Il s’agit d’un groupement chimique qui s’ajoute sur notre ADN, ou plus précisément sur les bases azotées qui composent notre ADN (le groupement CH3 ; un atome de carbone et trois d’hydrogène). Les méthylations peuvent être notamment dues au vieillissement des gamètes (cellules reproductrices). Par conséquent, plus les parents sont âgés, plus le risque de TSA au début de la vie de l’embryon est élevé.


Schéma d’une méthylation de l’ADN


On retrouve également des modifications au niveau des histones. Les histones étant des protéines autour desquelles l’ADN, lorsqu’il se condense, s’enroule autour. Huit histones avec de l’ADN forment un nucléosome qui, une fois additionnés et condensés, va aboutir à la forme d’un chromosome tel qu’on le connaît.


Schéma de la condensation de l’ADN à l’étape de chromosome


L’autre modification épigénétique connue dans cette pathologie concerne l’action des micro-ARN. Ce sont des petites molécules de 18 à 22 nucléotides (vraiment petits) qui ne codent pas pour des protéines (voir l’article La protéine cette star inconnue). A la place, cette molécule va contrôler l’expression des gènes (plus d’action, moins d’action ou on bloque tout) et cela via l’ARN messager. L’ARN messager étant l’étape entre l’ADN et la synthèse d’une protéine (c’est le décodage du message de l’ADN). La moitié des micro-ARN sont exprimés dans le cerveau. Il y a donc une régulation de la mort programmée des cellules, leur prolifération mais aussi leur développement.

Enfin des mécanismes épigénétiques peuvent activer des réponses du système immunitaire lors de la grossesse (activation des soldats de l’immunité, voir l’article d’Anne Clerico, Les soldats de l’immunité en action). Ceci augmente la susceptibilité de TSA.

Toutes ces modifications génétiques ont un impact sur le remodelage du support de l’information, mais aussi « plus largement » au niveau des synapses (la poignée de main entre deux neurones pour communiquer), que cela soit leur formation, leur soutien, leur développement. Mais aussi au niveau des neurotransmetteurs (les molécules qui permettent de communiquer via ces poignées de main). Un problème d’excitation électrique et chimique de ces synapses pourrait en partie expliquer un déficit d’interaction sociale et cognitive chez les TSA.

Le facteur génétique est plus susceptible de participer aux causes liées au TSA que le facteur environnemental. Cependant il est important de ne pas négliger celui-ci.

 


L’environnement lié au TSA

Lorsque l’on parle de facteurs environnementaux, on évoque le stade prénatal. Il peut s’agir d’une infection par un virus ou une bactérie activant alors le système immunitaire de la mère et enclenchant des modifications génétiques chez le futur enfant.

L’âge des parents lors de la conception peut être lui aussi un facteur aggravant. Plus les parents sont âgés plus le risque est grand, comme le développement de nombreuses pathologies. Attention cependant le risque provient autant de la mère que du père !

Enfin on peut parler de carence en zinc. Cette molécule essentielle pour le système immunitaire permet la synthèse des protéines, la cicatrisation des plaies et la signalisation des gènes. Une défaillance dans cet apport pourrait donc avoir un impact sur l’expression des gènes et notamment dans le cadre de TSA.

 


Où en est le dépistage ?

Le trouble du spectre de l’autisme est établi grâce au critère énoncé dans le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux version 5 (DSM-5). Le dépistage se fait actuellement via la liste de contrôle pour les nourrissons et les tout-petits (ITC) de 9 mois à 2 ans et une liste modifiée révisée (M-CHAT-R) de 30 mois à 16 ans.

La détection et le diagnostique se font également via des images obtenues par un EEG ou électroencéphalogramme.

On retrouve trois fois plus d’hommes diagnostiqués que de femmes. Plusieurs raison peuvent être liées à cela, autres que la dimension génétique et hormonale, qui a sa part. Cet écart peut également être causé par un sous-diagnostique des femmes de par leur comportement moins marqué que les hommes et leur mimétisme en société.

 


Les thérapies et avancées possibles

Malgré cette large diversité, ainsi que les multiples facteurs qui entrent en jeu dans cette pathologie, la médecine et les chercheurs ne baissent pas les bras. Autres que les thérapies médicamenteuses « classiques », il existe des thérapies agissant directement sur le gastro-intestinal que l’on surnomme à juste titre notre second cerveau. En effet, cette foule bactérienne se trouvant dans nos intestins agit sur notre cerveau. C’est donc d’une piste intéressante que de plus en plus d’unités de recherche explorent.

Il existe également des thérapies via des exosomes, des vésicules pouvant transporter des molécules à travers notamment la barrière hématoencéphalique de notre cerveau, de vrais taxis médicaux. Cette technique est déjà utilisée pour Alzheimer.

Autre thérapie innovante et en accord avec la diversité des spectres de l’autisme, la médecine personnalisée. Le but étant d’identifier directement chez la personne les gènes impliqués et proposer un traitement adapté. De nombreuses pistes continuent d’être explorées et sont porteuses d’espoir.

 



Sources :

1.Yin, J. & Schaaf, C. P. Autism genetics - an overview. Prenat Diagn 37, 14–30 (2017).

2.Chaste, P. & Leboyer, M. Autism risk factors: genes, environment, and gene-environment interactions. Dialogues Clin Neurosci 14, 281–292 (2012).

3.Almandil, N. B. et al. Environmental and Genetic Factors in Autism Spectrum Disorders: Special Emphasis on Data from Arabian Studies. Int J Environ Res Public Health 16, 658 (2019).

4.Yoon, S. H., Choi, J., Lee, W. J. & Do, J. T. Genetic and Epigenetic Etiology Underlying Autism Spectrum Disorder. J Clin Med 9, 966 (2020).

5.Rylaarsdam, L. & Guemez-Gamboa, A. Genetic Causes and Modifiers of Autism Spectrum Disorder. Front Cell Neurosci 13, 385 (2019).

6.Wiśniowiecka-Kowalnik, B. & Nowakowska, B. A. Genetics and epigenetics of autism spectrum disorder—current evidence in the field. J Appl Genet 60, 37–47 (2019).

7.Yoo, H. Genetics of Autism Spectrum Disorder: Current Status and Possible Clinical Applications. Exp Neurobiol 24, 257–272 (2015).

8.Infantile zinc deficiency: association with autism spectrum disorders - PubMed. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/22355646/.


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6 m
16 décembre 2021
Auteurs

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