Le poids de la dénutrition chez les personnes âgées

Le poids de la dénutrition chez les personnes âgées

Sous-diagnostiquée et bien trop fréquente, cette maladie est un enjeu de santé publique. Cependant, des lueurs d’espoir apparaissent tant dans la prévention que dans les actions.

 


En médecine, les personnes dites âgées, ayant plus de 65 ans, ont une science médicale qui leur est réservée, la gériatrie. La raison de cette différence est très simple : une personne âgée a un corps différent, plus fragile, qui vieillit et dont les besoins sont distincts. Cela a une répercussion toute particulière sur leurs besoins nutritionnels. Il y a malheureusement une grande méconnaissance de ces derniers, ce qui entraîne bien souvent l’apparition d’une situation de dénutrition. Les études estiment que 4 à 11% des personnes âgées vivant à leur domicile sont touchées. Mais les chiffres sont probablement bien plus élevés du fait d’un manque de diagnostic.



Des besoins nutritionnels spécifiques

Les personnes âgées doivent adapter leur alimentation à la situation de vieillissement de leur organisme. D’une part, les besoins en eau sont augmentés. Non seulement les modifications corporelles dues au vieillissement entraînent un déclenchement de la soif bien trop tardif alors qu’une déshydratation est parfois déjà en train de s’installer mais, de plus, la soif est soulagée par une bien moindre quantité d’eau. Le risque réel de déshydratation va favoriser la perte d’appétit et l’altération de certaines fonctions comme l’activité rénale. Il faut donc absolument l’éviter.

D’autre part, leurs besoins énergétiques, au contraire de ce que l’on pourrait penser, doivent être maintenus, si ce n’est augmentés. Certes, la diminution de l'activité physique liée au vieillissement provoque une légère baisse des besoins. Mais le vieillissement est très « énergivore » ! Le moindre stress subi par l’organisme (virus, maladie chronique qui s’installe, etc.) peut requérir une très forte quantité d’énergie afin de revenir à une situation proche de la normale et la maintenir. A ce stade, on ne fait plus la différence entre homme et femme lorsqu’on considère les besoins énergétiques. Et il est très important d’individualiser le plus possible leur estimation alors que l’on donne le plus souvent des fourchettes caloriques chez l’adulte (entre 1 800 et 2 200 kilocalories par jour suivant le sexe et l’activité physique). Ainsi, on calcule les besoins énergétiques en fonction du poids de la personne âgée en considérant un besoin de 36 kilocalories par kilo et par jour. Il est très important que les apports restent équilibrés et même légèrement enrichis en protéines pour limiter la destruction de la masse musculaire inhérente au vieillissement. Si cela n’est pas correctement appliqué, une dénutrition peut apparaître.



A quel moment parle-t-on de dénutrition ?

La dénutrition est basiquement définie par un déséquilibre entre les apports et les besoins de l’organisme. Elle peut survenir à tout âge, mais bien plus fréquemment chez la personne âgée. En dehors du contexte d’hospitalisation en service gériatrique, où la surveillance est très rapprochée, il est plutôt difficile d’établir un diagnostic de dénutrition. La perte de poids est le premier signe d’alerte. D’autres éléments, même s’ils sont non spécifiques, peuvent également être évocateurs et doivent être considérés : diminution de la vitesse de la marche (car moins de force musculaire due à une carence en protéines), traits du visage creusés (zone visible sensible à l’amaigrissement), désinvestissement de la personne pour ce qu’elle aime faire ou encore difficultés de concentration.

Le diagnostic s’appuie sur plusieurs critères :

-       La proportion de poids perdue (et non la valeur exacte du poids)

-  Des marqueurs biologiques mesurés grâce à une prise de sang qui permettront d’évaluer le stock de protéines

-      Un questionnaire spécifique abordant le quotidien nutritionnel du patient

-      L’Indice de Masse Corporelle (IMC) est également considéré. S’il est inférieur à 21, il s’agit d’un argument en faveur de la dénutrition. Mais malheureusement, même au-dessus de 21, on peut être dénutri. L’obésité n’empêche pas la dénutrition et ce paradoxe complexifie encore le diagnostic.



La faim n’est que le début du problème 

La première cause d’apparition de la dénutrition chez les plus de 65 ans est l’insuffisance d’apports. Perte d’appétit ou d’intérêt pour les repas, modifications du goût liées à l’âge, apparition de maladies neurodégénératives comme la maladie d’Alzheimer et ses apparentées sont autant d'origines possibles à cette diminution de l’alimentation.

Par cela, la personne âgée va entrer dans la spirale de la dénutrition, définie en 1993 par le Dr Monique Ferry, gériatre et nutritionniste. En effet, cette baisse des apports alimentaires va progressivement produire des conséquences d’abord réversibles comme un amaigrissement, un léger dysfonctionnement du système immunitaire puis, peu à peu, irréversibles en laissant place à des troubles psychiques, des risques d’effets indésirables graves à l’utilisation de médicaments parfois basiques ou même des escarres qui sont des plaies plus ou moins importantes apparaissant lorsqu’une position est maintenue trop longtemps, créant une compression des vaisseaux sanguins au niveau des points d’appui. Le plus souvent, dès lors que les conséquences progressent vers l’irréversibilité, la personne perd peu à peu son autonomie et doit souvent être hospitalisée ou prise en charge en établissement spécialisé.


Figure 1 : Spirale de la dénutrition d’après le Dr Monique Ferry. (Source : imad-ge.ch)




L’enjeu majeur de la prévention

Dégradation de l’état général, état dépressif voire réelle dépression, dépendance, augmentation de la susceptibilité aux infections, etc. La dénutrition n’est pas à prendre à la légère puisqu’elle va avoir de nombreuses conséquences. Et le risque de mortalité est multiplié par cinq environ en moyenne. Lorsque la dénutrition est installée, il faut absolument une prise en charge diététique avec des conseils individualisés qui permettront d’enrichir à nouveau l’alimentation. Parfois, cela n’est pas suffisant et une nutrition par sonde sera nécessaire.

Comme dans de nombreuses situations, la prévention reste le meilleur atout que nous ayons pour éviter l’apparition de la maladie. Le Plan National Nutrition Santé (PNNS) 2019-2023 avait parmi ses objectifs celui de permettre une meilleure prévention de la dénutrition. Des actions se mettent en place à différentes échelles depuis ces dernières années. Dernièrement, des programmes numériques comme C-Diet ou E-Nutriv ont vu le jour avec le soutien de conseils départementaux. Ces outils doivent permettre un dépistage précoce et systématique de la population âgée en France.

Cela fait quelques années que des entreprises développent des produits pour contrer la maladie lorsqu’elle est installée. Parfaitement adaptés aux besoins nutritionnels des plus de 65 ans et aux carences induites par la dénutrition, les produits développés vont aider l’organisme à faire machine arrière dans le processus de dénutrition. Le mot d’ordre pour les équipes de développement : plaisir ! Car oui, le premier point d’appel qui aidera une personne dénutrie à retrouver une alimentation normale est le plaisir de manger. On peut citer notamment une toute jeune entreprise, La Picorée, qui propose des mini-cakes sucrés et salés très appétissants, qui se mangent en un clin d’œil et apportent une dose de protéines et de calories suffisantes pour aider à pallier la dénutrition.

Si l’accueil fait à ces solutions de prévention et d’action face à la dénutrition est à la hauteur, cela pourrait aider à changer le cours de la dénutrition et permettre d’améliorer considérablement le quotidien des personnes âgées.

 



Sources

1. Marie Mével. Aversions alimentaires face à la dénutrition en unité de soins de longue durée. Thèse de doctorat de pharmacie. Université Lyon 1. 2018

2. https://www.amaelles.org/e-nutriv-denutrition/

3. https://www.c-diet.com/

4. https://www.lapicoree.com/


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10 m
7 juin 2023
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