Le siphonophore, un organisme aux multiples individus

Le siphonophore, un organisme aux multiples individus

Notre monde est peuplé d’une multitude d’êtres vivants fascinants. Nous sommes loin de connaître l’existence de chacun d’eux. Nous connaissons mieux la surface de la lune que les fonds marins terrestres. C’est dans ces derniers que nous partons à la découverte des siphonophores.


 

Lorsque l’on cherche l’animal le plus grand du monde, on pense bien souvent à la baleine. Mais il en existe un qui peut la dépasser : le siphonophore ! En 2020, au large des côtes australiennes, un individu de 45 mètres de long a ainsi été observé. Mais il triche un peu…

 

Les siphonophores sont des cnidaires, au même titre que les coraux ou les méduses. On les retrouve dans les eaux chaudes et tropicales tout autour du globe. Il est décrit 250 espèces différentes de siphonophores, tous de formes, tailles et couleurs différentes, réparties en trois sous-ordres : les Physonectae, les Cystonectae et les Calycophorae.



(A) Rhizophysa eysenhardtii (Cystonectae), (B) Bathyphysa conifera (Cystonectae), (C) Hippopodius hippopus (Calycophorae), (D) Kephyes hiulcus (Calycophorae), (E) Desmophyes haematogaster (Calycophorae), (F) Sphaeronectes christiansonae (Calycophorae), (G) Praya dubia (Calycophorae), (H) Apolemia sp. (Physonectae), (I) Lychnagalma utricularia (Physonectae), (J) Nanomia sp. (Physonectae), (K) Physophora hydrostatica (Physonectae)
(source : wikipédia)



Le premier siphonophore, nommé la Galère portugaise, un Cystonectae, a été décrit en 1758 par Carl Linnaeus.



La Galère portugaise ressemble beaucoup à une méduse. Attention, elles peuvent échouer sur les plages et sont très urticantes.



La vie en communauté


Les siphonophores ont la particularité de ne pas être un organisme unique. Il s’agit d’un ensemble d'individus unicellulaires qui se coordonnent et vivent en colonie : ce sont des zoïdes. Ensemble, ceux-ci forment un organisme complexe et autonome. Chacun des individus a un rôle spécifique pour contribuer à son bon fonctionnement et est incapable de survivre seul. Il existe des zoïdes pour le déplacement, la protection, le nourrissage, répartis en trois zones différentes : pneumatophore, nectosome et siphosome.

 

Les siphonophores ont été classés en sous-ordres différents, car ils ne sont pas tous constitués à l’identique, avec les mêmes zones ou les mêmes zoïdes.

 

Commençons par les Physonectae qui sont constitués des trois zones différentes. La première, les pneumatophores, est un ensemble de zoïdes sécrétant un mélange gazeux permettant à l’organisme de flotter. Les cloches natatoires (ou nectosome) servent au déplacement de l’organisme. Enfin le siphosome est un ensemble de cormidies, et chaque cormidie est un ensemble de polypes spécialisés dans une tâche (nourricière, protectrice, reproductrice…).

Les Cystonectae sont composés d’un pneumatophore et d’un siphosome. Ils dérivent au gré des courants marins.

Les Calycophorae, eux, sont dépourvus de pneumatophore.

 


Schéma des différentes organisations des colonies de siphonophores.
(source : adapté de http://www.siphonophores.org/SiphPlan.php)



Le collier de cormidies


Les cormidies sont un groupe de polypes (zoïdes différenciés à la tâche bien définie) tous reliés au stolon. Ce dernier est une sorte de long tuyau qui parcourt le siphonophore, et permet ainsi à chaque zoïde de communiquer entre eux.

Les cormidies sont composées d’un bouclier appelé la bractée (ou dactylozoïde) aux propriétés urticantes. Les gastrozoïdes sont les unités nourricières, munies d’une bouche et aidées d’un filament pêcheur urticant. Ils capturent les proies et les digèrent. Ils se nourrissent de petits crustacés, de petits poissons, d’animaux gélatineux et de larves. Enfin, les gonozoïdes sont les unités reproductrices.


Schéma représentant un Physonectae montrant la structure des cormidies
(source : adapté de http://svtcolin.blogspot.com/2011/02/les-siphonophores-sont-les-plus-forts.html)



Zoom sur la reproduction


Tous les individus de la colonie sont originaires d’un seul et même œuf. Les gonozoïdes vont lâcher les gamètes (ovules et spermatozoïdes) dans l’océan. Ces derniers vont se rencontrer, entrer en état larvaire et se développer en planula. Ensuite, chaque zoïde se différencie (devenir le zoïde qu’il est supposé être, comme les dactylozoïdes ou les gastrozoïdes) et réalise la tâche qui lui incombe. A la fin, naîtra une nouvelle colonie formée.


Schéma du développement des siphonophores de l’état larvaire à l’état final. (A) cycle de vie des Physonectae ; (B) cycle de vie des Calycophorae. Le cycle de vie des Cystonectae n’est pas encore défini mais semble être sur le même schéma.
(source : adapté de Report of Working Group 26 on Jellyfish Blooms around the North Pacific Rim: Causes and Consequences)



Mieux comprendre les habitants des profondeurs


Chaque année de nouvelles espèces de siphonophores sont découvertes. Ils fascinent chercheurs et ingénieurs et sont une source d’inspiration pour de nombreux chercheurs et ingénieurs. D’importantes études s’intéressent à la propulsion par jet aquatique que les siphonophores sont capables de produire grâce à leurs cloches natatoires. Cette propulsion semble bien plus efficace que celle mécanique actuellement utilisée dans le domaine de la navigation.

Comme de nombreux animaux vivant dans les profondeurs océaniques, nombre de siphonophores sont bioluminescents. Ils s’en servent comme d’un leurre afin de capturer des petits poissons et de s’en nourrir.

Afin de mieux comprendre les modes de vie de ces créatures sous-marines (et des autres organismes des profondeurs), et de mieux préserver leurs écosystèmes, les ingénieurs et les chercheurs doivent en permanence améliorer les technologies existantes pour les étudier. Cela a notamment été le cas avec la mise au point de fluorimètres ultra-sensibles afin de détecter la bioluminescence des siphonophores.

 

 

Le siphonophore fait partie de ces merveilles de notre monde dont l’existence fascine. Il existe peut-être dans ces fonds océaniques des individus bien plus grands que ceux observés jusqu’à présent. Il est possible que celui de 120 mètres de long soit loin d’être une exception. La technologie actuelle ne nous permet pas de nous aventurer aussi profondément, mais qui sait, le jour où nous en serons capables, quels êtres étranges et captivants nous découvrirons.





Sources :

1)   Steven H. D. Haddock and al. Biodiversity, behavior and bioluminescence of deep-sea organisms. The official magazine of the oceanography society. 2017.

2)   Steven H. D. Haddock, Casey W. Dunn, Philip R. Pugh, Christine E. Schnitzler. Bioluminescent and red-fluorescent lures in a deep-sea Siphonophore. Brevia. 2005.

3)   Brad J. Gemmell, and al. Cool your jets: biological jet propulsion in marine invertebrates. The Company of Biologists. 2021.

4)   Gillian M. Mapstone. Global diversity and review of Siphonophorae (Cnidaria: Hydrozoa). PLoS ONE. 2014.

5)   John H. Costello, and al. Multi-jet propulsion organized by clonal development in a colonial siphonophore. Nature communications. 2015.

6)   Shin-ichi Uye et Richard D. Brodeur. Report of working group 26 on Jellyfish Blooms around the North Pacific Rim: causes and consequences. PICES scientific report n°51. 2017.

7)   G.O. Mackie, P. R. Pugh et J. E.Purcell. Siphonophore Biology. Marine Biology. 1988.

8)   https://planktonchronicles.org/fr/portfolio/siphonophores-les-plus-longs-animaux-du-monde/

9)   https://www.geo.fr/environnement/lanimal-le-plus-long-du-monde-observe-dans-les-eaux-australiennes-200509#:~:text=Le%2020%20mars%20dernier%2C%20leur,le%20plus%20long%20du%20monde.

10) https://bionum.univ-paris-diderot.fr/2016/05/06/petite-plongee-sous-marine-pour-tout-savoir-sur-les-cnidaires/

11) http://www.siphonophores.org/index.php

12) https://www.universalis.fr/encyclopedie/siphonophores/2-organisation-d-une-colonie/

http://svtcolin.blogspot.com/2011/02/les-siphonophores-sont-les-plus-forts.html

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5 m
8 mars 2023
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