Nos micro-colocataires

Nos micro-colocataires

Certains d’entre vous ont certainement entendu parler du microbiome intestinal faisant référence aux bactéries et autres microorganismes qui peuplent nos intestins et qui nous aident à distribuer les nutriments dans notre corps. Ils influencent notre comportement et nos émotions, mais ils peuvent également être la cause de maladies en cas de dysfonctionnement. Afin de mieux comprendre tout cela dans un prochain article de biologie moléculaire et cellulaire, il est important de saisir ce qu’est le microbiome et ce qu’il représente.

On retrouve dans le mot « microbiome », différent de microbiote, le terme biome. Un biome, pour les scientifiques, représente un écosystème composé de faune et de flore. Quant à « micro », il indique qu’il est invisible à l’œil nu pour un être humain. On y retrouve, au sens large, virus, bactéries, champignons : chacun a un rôle dans la stabilité de l’environnement. Tous les êtres vivants, plantes, animaux ou nous-mêmes, possédons notre propre et unique microbiome, comme l’environnement, la terre et les eaux (océan, rivières, lacs…).

Source chaude où se développent des bactéries sulfureuses vertes dans le parc national de Yellowstone aux Etats-Unis (Source : https://www.futura-sciences.com/sciences/actualites/physique-photosynthese-artificielle-nanotubes-imitant-bacteries-sulfureuses-40011/)

Lorsque nous évoquons le microbiome, nous parlons des microorganismes, de leurs gènes et des conditions environnementales. Tous ne sont pas bénéfiques ou commensaux (vivant au sein d’un organisme sans lui porter atteinte). Certaines espèces de bactéries sont, quant à elles, bénéfiques et assurent des fonctions vitales.

Source chaude où se développent des bactéries dans le parc national de Yellowstone aux Etats-Unis (Source : https://www.deviantart.com/miss-tbones/art/Bacteria-Color-and-Steam-Yellowstone-6-828215613)

L’être humain regroupe différentes zones principales de microbiome avec leur spécificité : la peau, la bouche, le vagin, et l’appareil digestif, qui est le plus colonisé. Nous hébergeons plus de 100 milliards de microorganismes de plus de 1000 espèces différentes, soit un poids de 1 à 5 kilogrammes uniquement au niveau de l’intestin.

Photographie faite au microscope électronique et reconstitution des couleurs par Dennis Kunkel (Source : https://www.sciencemag.org/news/2019/01/bacteria-your-gut-may-reveal-your-true-age)

On constate des différences entre les microbiomes de chaque personne, même si celles-ci sont en bonne santé. Ces différences sont les résultats de combinaisons complexes de facteurs génétiques de l’individu, mais aussi de l’environnement où se trouve la bactérie et du mode de vie de l’individu concerné. Les différences les plus subtiles peuvent avoir de lourdes conséquences comme le développement de maladies telles que le diabète. Même s’il n’existe pas de microbiome dit « sain », il existe de nombreuses possibilités pour que notre mode de vie interfère avec les bactéries le composant. La diversité de notre microbiome est importante. Sa multiplicité nous permet de pallier divers problèmes de santé comme des allergies.

Le microbiome cutané est acquis à la naissance, lors du passage du bébé par le col de l’utérus. Le recours à la césarienne peut donc provoquer chez le nouveau-né un manque de bactéries pour la constitution de son propre microbiome. Avec le temps, le microbiome va changer et s’adapter à l’environnement et aux conditions de vie. Le changement microbien majeur cutané se produit à la puberté, ce qui engendre souvent des problèmes de peau de type acné. Les microorganismes présents sur notre peau remplissent plusieurs fonctions : ils nous protègent de l’attaque d’autres microorganismes ne nous appartenant pas, des infections en tous genres et des rayonnements UV pouvant provenir du soleil.

L’étude du microbiome humain ne s’intéresse pas qu’au domaine cutané. Des chercheurs s’intéressent également aux poumons avec comme type de maladie, notamment l’asthme. Aujourd’hui, les données obtenues tendent à démontrer, qu’il y ait prédisposition ou non, que plus le type de bactéries dans l’environnement (microbiote) est diversifié, moins le risque de développer de l’asthme est important. L’autre maladie pulmonaire très étudiée en relation avec le microbiome est la mucoviscidose. C’est une maladie génétique potentiellement grave faisant partie des plus courantes en France et dans les pays occidentaux. Elle touche les fonctions digestives et respiratoires. Avec cette maladie, l’espérance de vie est fortement réduite.

Comme cité plus haut, le microbiome le plus peuplé de notre corps est l’appareil digestif. On l’appelle également notre deuxième cerveau (ce thème sera développé prochainement). Le microbiome intestinal joue un rôle dans la santé humaine et influence le développement de maladies telles que des troubles intestinaux ou des cancers. Les habitudes alimentaires ainsi que les facteurs extérieurs ont un fort impact sur notre santé. De nombreux composés pharmaceutiques peuvent être métabolisés par le microbiome intestinal à cause de la forte absorption des molécules dans cette zone. Des études de cette zone pourraient ainsi permettre de développer des traitements personnalisés afin de limiter les effets secondaires chez les patients. Pour cela une étude de l’interaction des bactéries entre elles, mais aussi des bactéries cellules et de l’expression de leurs gènes, est primordiale.

C’est grâce à l’augmentation des analyses de plateforme d’ADN, d’ARN et de protéines (voir l’article La protéine, cette star inconnue) que l’étude des gènes des microorganismes a pris de l’ampleur. Grâce à ces technologies, il est possible de décrire leur structure, leurs fonctions mais aussi leurs communautés entières. Avec la baisse du coût du séquençage, les scientifiques ont pu étudier d’autres organismes que ceux qu’ils cultivaient jusqu’alors dans les laboratoires. Il est maintenant possible de prélever et directement séquencer les gènes. On peut donc identifier rapidement des souches bactériennes et des variations dans leur gènes. Pour ce type de manipulation, il est toutefois important de noter qu’il est préférable de séquencer de l’ARN plutôt que de l’ADN. Cette méthode permet de mieux observer les modifications de l’expression des gènes qui peut révéler une variation génétique au sein des espèces de bactéries étudiées.

« Un beau microbe peut faire des choses qui ne sont pas saines »

Cependant tout ne tourne pas vers cette technique d’analyse qu’est le séquençage. D’autres équipes utilisent des techniques métaboliques du microbiome. Il s’agit d’analyse chimique permettant d’étudier la communication de bactéries entre elles ou entre cellules directement.

Un projet lancé en 2010, Le Earth Microbiome Project, avait pour but d’effectuer un catalogue mondial de la diversité microbienne non cultivée sur la planète. C’est aujourd’hui la plus importante base de données disponible sur le sujet.

Ce type d’étude permet donc de mieux comprendre comment notre écosystème interne prospère, mais aussi celui qui nous entoure. Nous concernant, il est primordial de prendre soin de notre microbiome quel qu’il soit, et notamment celui de notre tube digestif en le nourrissant de façon saine et équilibrée, sinon celui-ci pourrait nous le faire payer…

Sources :


1.   Eisenstein, M. The hunt for a healthy microbiome. Nature 577, S6–S8 (2020).

2.   Gilbert, J. A., Jansson, J. K. & Knight, R. The Earth Microbiome project: successes and aspirations. BMC Biol. 12, 69 (2014).

3.   Jobin, C. Microbiome - Un nouveau facteur de risque de cancer colorectal ? Med Sci (Paris) 29, 582–585 (2013).

4.   Kho, Z. Y. & Lal, S. K. The Human Gut Microbiome - A Potential Controller of Wellness and Disease. Frontiers in Microbiology 9, 1835 (2018).

5.   Wang, B., Yao, M., Lv, L., Ling, Z. & Li, L. The Human Microbiota in Health and Disease. Engineering 3, 71–82 (2017).

6.   Weissenbach, J. & Sghir, A. Microbiotes et métagénomique. Med Sci (Paris) 32, 937–943 (2016).

7.   (PDF) The vocabulary of microbiome research: A proposal. ResearchGate https://www.researchgate.net/publication/280667622_The_vocabulary_of_microbiome_research_A_proposal doi:10.1186/s40168-015-0094-5.

8.   Gut Microbiome: Profound Implications for Diet and Disease. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC6682904/.

9.   Le microbiome pulmonaire en 2015 - Une fenêtre ouverte sur les pathologies pulmonaires chroniques | médecine/sciences. https://www.medecinesciences.org/en/articles/medsci/full_html/2015/12/medsci20153111p971/medsci20153111p971.html.

10.Xénobiotiques et microbiome intestinal actif - Des effets insoupçonnés | médecine/sciences. https://www.medecinesciences.org/en/articles/medsci/full_html/2013/10/medsci20132910p846/medsci20132910p846.html.

11.https://atlasbiomed.com/blog/whats-the-difference-between-microbiome-and-microbiota/

12.https://www.bioalternatives.com/en/microbiota-vs-microbiome/

13.https://lejournal.cnrs.fr/articles/microbiote-des-bacteries-qui-nous-veulent-du-bien#:~:text=Il%20pèse%20entre%20un%20et,microbiote%20est%20votre%20indispensable%20allié.

 




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24 octobre 2020
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