Notre imitation du vivant

Notre imitation du vivant

Depuis longtemps nous nous inspirons du monde vivant pour appliquer ces concepts dans diverses disciplines telles qu’en science, en ingénierie, architecture, médecine, et dans l’art. Il s’agit du biomimétisme. Le biomimétisme provient des mots grecs « bios » (vie) et « mimesis » (imiter). Il a été inventé par Otto Schmitt, un ingénieur physicien, en 1957. Ce terme définit une forme créative technologique qui utilise ou imite la nature afin d’améliorer la vie humaine.

Malgré son apparence futuriste le biomimétisme est observé depuis longtemps au sein de notre espèce. Les haches et les couteaux sont par exemple inspirés de dents d’animaux.

A gauche, la photographie d’un silex biface taillé datant du paléolithique ancien inspiré par biomimétisme des dents de carnivore (squelette crânien à droite). (Sources : http://www.musee-prehistoire-idf.fr/biface-silex et https://www.nku.edu/~whitsonma/Bio120LSite/Bio120LReviews/Bio120LAnimalRev.html)

Léonard de Vinci s’est également inspiré du biomimétisme dans ses travaux avec « sa machine volante » inspirée du vol des oiseaux et des chauves-souris.

A gauche, la machine volante designée par Léonard de Vinci inspirée par biomimétisme du vol des oiseaux et des chauves-souris (à droite). (Sources : http://www.expo-pulaire.fr/10.3AileR.html et https://nuage1962.wordpress.com/2019/11/23/le-saviez-vous-►-les-5-choses-savoir-sur-la-chauve-souris/)

L’exemple le plus connu reste cependant celui de l’invention du Velcro en 1940 par l’ingénieur suisse George de Mestral après observation au microscope du fruit bavure (Xanthium strumarium). En effet, celui-ci collant fortement aux poils de chien, nos cheveux et vêtements, les fins et petits crochets de ces fruits d’une longueur de 1 cm lui permettent de mieux se disperser. George de Mestral s’est alors basé sur ce système d’accroche pour développer le Velcro que l’on connaît qui a aujourd’hui de très nombreuses applications dans notre quotidien.

Autre biomimétisme plus actuel, le train à grande vitesse au Japon. Ces trains lors du passage dans les tunnels produisaient d’importants effets sonores à cause du changement de pression. Pour pallier ce problème, les ingénieurs ont observé le Kingfisher, ou martin-pêcheur. Cet oiseau, habitué au changement de milieu eau/air à grande vitesse, s’est révélé être un bon modèle d’étude. Les trains japonais ont donc, par la suite, été équipés d’un long nez. Le niveau sonore a été considérablement réduit de même qu’il y a eu un gain d’énergie, soit 15 % d’électricité et une augmentation de la vitesse de 10 %.

A gauche, la photographie du train à grande vitesse japonais inspiré du martin pêcheur à droite. (Source : https://www.pinterest.fr/pin/397724210814397435/)

Le grand défi du biomimétisme est non seulement de minimiser l’énergie utilisée, mais aussi de miniaturiser ou agrandir un processus observé dans la nature. Des adaptations fonctionnelles sont également nécessaires afin de répondre de façon optimale à l’environnement et aux exigences dictées par l’être humain.

Autre exemple significatif : le monde des insectes. Il nous a beaucoup appris et continue de nous inspirer.

L’algorithme des fourmis est lui aussi un mécanisme bien connu. Une étude de leur comportement pour la recherche de nourriture a abouti aux systèmes de guidages GPS.

Dans la ville de Hara, au Zimbabwe, Mike Pearce, un architecte, a construit un immeuble basé sur le modèle des termitières. Ce sont des insectes eusociaux (vivant en groupes avec une hiérarchie de castes) dont la colonie comporte environ 2 millions d’individus sensibles à la chaleur. Afin de réguler la température de leur nid, dans les prairies africaines, les termites construisent des structures atteignant les 6 mètres de haut avec de multiples trous au plafond et au sous-sol. C’est grâce à ce modèle de construction que le bâtiment Eastgate Center a été conçu. Les aérations du plafond permettent l’évacuation de la chaleur, quant à celles du sol elles permettent le passage de l’air froid. On obtient donc une température extérieure de 38 °C, et une température intérieure d’environ 24 °C de façon naturelle.

A gauche la photographie du Eastgate à Hara, Zimbabwe avec comme inspiration le système de termitière africaine à droite ( Source :  DOI: 10.2147/IJN.S83642)


Les insectes ne sont pas uniquement utilisés en architecture. On les retrouve en robotique avec les études de vol des insectes et la conception des micro-véhicules aériens (MAV). Les MAV regroupent des robots ou drones de la taille d’insectes ou d’oiseaux. Leur vol est autonome et s’adapte à l’environnement naturel ou artificiel. Les insectes volants produisent des manœuvres complexes regroupant des forces aérodynamiques sophistiquées, de la précision, de l’agilité au niveau de leurs muscles, et de la structure dans la nervation de leurs ailes.

Photographie du RoboBee de Harvard (robot abeille) pesant 80 mg et mesurant 5 mm de long. (Source : DOI : 10.1007/978-3-319-51532-8_4 ·)

Dans ce domaine plusieurs paramètres sont à étudier : la mécanique des muscles, la relation du corps et de l’aile, mais aussi les réactions neurobiologiques et sensorielles de l’insecte. Ce domaine d’expertise regroupe plusieurs disciplines comme la biologie, l’informatique, l’ingénierie et l’aéronautique. Les progrès actuels nous permettent d’avoir des robots MAV de 15 cm maximum et se déplaçant à une vitesse de 36 km/h.


Vidéo illustrant le vol en autonomie des MAV.

Cependant un problème persiste : la durée de l’autonomie de vol.

Enfin, comme dernier exemple inspiré des insectes, on retrouve celui du scarabée (Onymacris unguicularis) du désert de la Namibie  qui recueille l’eau en collectant les goutelettes du brouillard sur sa carapace. Ces gouttes d’eau vont ensuite se diriger vers sa tête afin que celui-ci puisse boire. Le MIT a reproduit cette structure avec du verre et du plastique pour collecter l’infime quantité d’eau présente dans les environnements arides. Ce dispositif a également permis la construction de systèmes de refroidissement et de nettoyage des déversements toxiques.

Photographie de Onymacris unguicularispar Ph. Didier Descouens (gauche) et le filet de collecte d’eau élaboré par le MIT (droite), (Sources : https://www.science-et-vie.com/technos-et-futur/un-materiau-inspire-du-scarabee-du-cactus-et-de-la-plante-carnivore-qui-collecte-l-eau-atmospherique-6589/(page)/3 et https://xavcc.frama.io/biomimicry-rennes/)

Le biomimétisme est un domaine de recherche important destiné à transformer un matériel et à l’adapter à nos besoins. Les matériaux inspirés du biomimétisme ne requièrent pas qu’une compréhension du sujet. Cela demande de la modélisation, une simulation graphique et la fabrication des matériaux et systèmes de mise en place de cette technologie.  De nombreux Etats tels que le Japon, les Etats-Unis, les pays d’Europe, et les grosses firmes comme Ford, HP, IMP et Nike s’investissent de plus en plus. D’ici 2025 les analyses du secteur prévoient que la taille du marché des produits et services en biomimétisme atteindront 1000 milliards de dollars.


Sources :

1.Casas, J., Steinmann, T. & Krijnen, G. Why do insects have such a high density of flow-sensing hairs? Insights from the hydromechanics of biomimetic MEMS sensors. Journal of The Royal Society Interface 7, 1487–1495 (2010).

2.Holbrook, C. T. et al. Social insects inspire human design. Biology Letters 6, 431–433 (2010).

3.Liu, H., Ravi, S., Kolomenskiy, D. & Tanaka, H. Biomechanics and biomimetics in insect-inspired flight systems. Philosophical Transactions of the Royal Society B: Biological Sciences 371, 20150390 (2016).

4.(PDF) A biomimetic study of natural attachment mechanisms: imaging cellulose and chitin part 2. ResearchGate https://www.researchgate.net/publication/286539558_A_biomimetic_study_of_natural_attachment_mechanisms_imaging_cellulose_and_chitin_part_2 doi:10.1186/s40638-015-0032-9.

5.A Review of Biomimetic Air Vehicle Research: 1984-2014 - Thomas A. Ward, M. Rezadad, Christopher J. Fearday, Rubentheren Viyapuri, 2015. https://journals.sagepub.com/doi/10.1260/1756-8293.7.3.375.

6.Biomimetic materials research: what can we really learn from nature’s structural materials? | Journal of The Royal Society Interface. https://royalsocietypublishing.org/doi/10.1098/rsif.2007.0218.

7.Biomimetics: lessons from nature–an overview | Philosophical Transactions of the Royal Society A: Mathematical, Physical and Engineering Sciences. https://royalsocietypublishing.org/doi/10.1098/rsta.2009.0011.

8.https://www.lemonde.fr/planete/article/2016/07/04/s-inspirer-de-la-nature-plutot-que-la-detruire_4963243_3244.html

9.https://www.sciencedirect.com/topics/chemistry/biomimetics

10.https://www.nature.com/subjects/biomimetics

11.https://www.sciencefocus.com/future-technology/biomimetic-design-10-examples-of-nature-inspiring-technology/


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24 octobre 2020
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