Trouble Obsessionnel Compulsif : quand les pensées deviennent handicapantes

Trouble Obsessionnel Compulsif : quand les pensées deviennent handicapantes

Le TOC est un dysfonctionnement du cerveau. Les personnes qui en sont atteintes mettent en place des rituels afin de se rassurer et de diminuer leur anxiété. Mais qu’y a-t-il derrière ces idées obsédantes ?



Le TOC est considéré comme la 4e maladie psychiatrique dans le monde, elle concernerait 2 à 3 % de la population. Cette maladie a un impact très important sur la vie sociale, professionnelle et familiale de la personne atteinte. Les idées obsédantes et les comportements récurrents compulsifs sont particulièrement handicapants au quotidien. Et, malheureusement, malgré un traitement psychothérapique et médicamenteux, 30 % des patients restent symptomatiques.



Symptômes et origines de la maladie


Une personne atteinte de TOCs va avoir tout au long de la journée des pensées récurrentes et obsédantes qui vont l’obliger à réaliser certaines actions afin de se sentir mieux. Cela peut aller de la simple vérification du verrouillage de porte jusqu’à la peur constante de faire du mal à quelqu’un.

Les patients tentent de réprimer ces pensées, en vain. Ces dernières deviennent une source de stress et d’anxiété et il n’y a qu’en réalisant ces pensées que cela diminue. Si la personne ne le fait pas, elle pense mal agir.

Les compulsions les plus courantes sont le lavage (éliminer toute contamination sur soi) ; les vérifications (que tout soit verrouillé, que rien ne soit oublié) ; l’ordre et le rangement (vérifier que les objets soient correctement placés).

Ces personnes ont beaucoup de difficultés à prendre une décision. Il y a une très forte comorbidité avec la dépression, l’anxiété chronique et la phobie sociale, souvent développées à cause du TOC. Les patients sont persuadés qu’ils sont capables de prévenir les événements, ou bien qu’ils en sont responsables. Ils ont une très grosse intolérance à l’incertitude et sont très perfectionnistes.


Le trouble obsessionnel compulsif est héréditaire dans 27 à 49 % des cas et jusqu’à 65 % lorsque les symptômes apparaissent dans l’enfance, vers 6/7 ans ou 12/13 ans. Il est très difficile de savoir quel pourcentage exact de la population est héréditaire. Les études ne sont toujours pas en mesure de déterminer précisément quels sont les gènes impliqués dans le TOC. Le trouble peut également apparaître en raison d’un problème neurochimique, d’une pathologie de réseau dans le cerveau ou encore d’une infection dans l’enfance. 


Ce dysfonctionnement survient dans le cortex préfrontal, une zone du cerveau impliquée dans la planification, l’organisation, la vérification d’action antérieure et de l’inhibition de réponses. 





Schéma montrant le cortex préfrontal
Adapté de Smart Servier medical



Lorsque les hormones s’en mêlent


Un dérèglement hormonal de la sérotonine et de la dopamine peut être à l’origine de l’apparition des TOCs. La sérotonine est un neurotransmetteur (petite molécule sécrétée par les neurones pour communiquer) de l’inhibition comportementale et l’évitement des dangers, elle est le garant de notre prudence. La dopamine est connue comme étant la molécule du plaisir, elle est sécrétée comme récompense. La voie activée par la sérotonine permet de moduler la dopamine et donc de réguler les comportements de l’individu. La personne attend un certain délai avant de passer à l’action. 




Schéma de la voie de la sérotonine. La molécule est libérée entre les deux synapses et va se fixer sur le récepteur sérotoninergique. La réponse cellulaire est alors activée. La sérotonine se détache ensuite de son récepteur et est recaptée par une pompe sur le neurone pré-synaptique afin d’être recyclée.
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Les personnes atteintes d’un TOC peuvent présenter un déficit en sérotonine. Les récepteurs sérotoninergiques sont alors hypersensibles. Une prise d’antidépresseur spécifique peut alors être prescrite. Il s’agit d’un inhibiteur de la recapture de la sérotonine, afin de compenser le déficit. Progressivement les récepteurs sérotoninergiques deviennent moins sensibles et les symptômes du trouble diminuent progressivement. 



Schéma de l’inhibition de la recapture de la sérotonine. L’antidépresseur vient se fixer sur la pompe de recapture. La sérotonine n’est alors pas recyclée et elle s’accumule dans la zone intersynaptique. Progressivement, les récepteurs sérotoninergiques peuvent alors capter la sérotonine pour envoyer la réponse cellulaire.
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Une infection dans l’enfance due à un streptocoque du groupe A peut provoquer une inflammation des ganglions de la base du cerveau : il s’agit du syndrome de PANDAS (Pediatric Autoimmune Neuropsychiatric Disorder Associated with Streptococcal Infections). L’enfant peut alors développer des troubles obsessionnels compulsifs, avec une prévalence beaucoup plus jeune, moins de 7 ans. Les ganglions de la base - aussi appelés « noyaux gris centraux » - jouent un rôle très important dans la gestion des neurotransmetteurs, dopamine et sérotonine. Néanmoins, cette infection se traite bien avec des antibiotiques tels que la pénicilline et les symptômes finissent par disparaître entièrement dans la majorité des cas.


Schéma d’une coupe frontale de cerveau afin d’identifier les ganglions de la base
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La voie de la guérison 


Il existe deux types de traitements, l’un médicamenteux évoqué précédemment, l’autre psychothérapeutique. Une association des deux peut parfois être nécessaire. Ces traitements ont pour objectif de réduire les symptômes pour un retour à la vie normale ainsi que de diminuer la perte de temps liée au trouble. Ils améliorent l’état de 70 à 80 % des patients. Malheureusement, le trouble ne guérit que dans environ 20 % des cas.

Si les troubles sont faibles, seule une psychothérapie sera nécessaire. Pour les troubles plus sévères, il faudra envisager dans un premier temps une prise d’antidépresseurs pour diminuer le côté obsessionnel de la maladie, avant d’envisager une psychothérapie.


La psychothérapie se déroule en deux étapes avec une thérapie cognitive, puis une thérapie comportementale.


La thérapie cognitivo-comportementale a pour but de casser le cercle vicieux des pensées et comportements négatifs


La thérapie cognitive nécessite une pleine implication du patient. 

Elle se déroule en trois phases. Tout d’abord, on expose le sujet aux stimuli anxiogènes pour l’habituer à vivre cette situation. Lors de ces expositions, le sujet ne doit pas tenter de réduire ou de fuir l’événement. L’objectif de cette thérapie est que le patient apprenne à apprivoiser son anxiété et ses émotions.


Représentation de la thérapie cognitive


Le problème avec les TOCs, c’est surtout l’interprétation que le patient fait de l’événement plus que l’événement en tant que tel. Les événements sont interprétés comme des schémas de danger qui sont ancrés dans le cerveau, ils se déclenchent automatiquement. La thérapie comportementale est constituée de cinq étapes pour tenter d’endiguer les pulsions. 


Il faut tout d’abord montrer au patient ses mécanismes de pensées internes pour qu’il puisse distinguer les pensées automatiques, intrusives et neutralisantes des pensées habituelles. Il est nécessaire ensuite d'instaurer une discussion pour remplacer les pensées neutralisantes par des pensées rationnelles. Puis le thérapeute va décrire des situations fictives au patient, qu’il va appliquer à des gens de son entourage afin de lui faire prendre conscience que les probabilités surviennent sont infimes. Le thérapeute finit par questionner le patient sur le fondement de sa crainte et si l'événement s’est réalisé.


Représentation de la thérapie comportementale



Cette maladie a un impact sur la vie de la personne, aussi bien au niveau social, professionnel que familial. Elle n’est, pour le moment, pas curable à 100 %, bien que des traitements et de nouvelles explorations au niveau moléculaire soient à l’étude. Les traitements actuels ont pour objectifs d’améliorer la vie du patient et de réduire les symptômes. De nouvelles approches consistent à revoir le rôle de l’entourage dans la prise en charge de la maladie (effet toxique ou thérapeutique). Les pistes ne manquent pas avec l’espoir de toujours améliorer la prise en charge de cette pathologie.






Sources


  1. Vanessa M. Sinopoli and al. A review of the role of serotonin system genes in obsessive-compulsive disorder. Neuroscience & Biobehavioral Reviews. 2017.
  2. Joao Flores Alves dos Santos et Luc Mallet. Le trouble obsessionnel compulsif. MedecinesSciences. 2013.
  3. Martine Bouvard. Les troubles obsessionnels compulsifs : principes, thérapies, applications. Elsevier. 2006.
  4. Jonathan S. Abramowtiz, and al. Obsessive-compulsive disorder. The Lancet. 2009.
  5. Jacques Epelbaum. Pour les tics et tocs, serait-ce SLITRK1 ? MedecinesSciences. 2005.
  6. B. Boileau et J. Boivin. Syndromes de PANDAS et PANS. La Lettre du Neurologue. 2016.
  7. http://ctah.eu/dossier-nouvelles-approches-du-toc.php?r=1211





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6 m
7 décembre 2022
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