Une relique du Big Bang: Le fond diffus cosmologique

Une relique du Big Bang: Le fond diffus cosmologique

Qu’est-ce qui se cachait parmi les étoiles ? L’espace et ses origines fascinent la recherche et l’étude des mécanismes physiques qui ont formé et qui font évoluer l’univers est une discipline de l'astronomie à part entière : la cosmologie. 


De nos jours, le consensus scientifique accepte le “modèle standard de la cosmologie” (alias le Big Bang) comme origine du cosmos. Pendant longtemps, ce modèle a été opposé à celui d’un espace stationnaire. La validation de la théorie du Big Bang a été en grande partie possible grâce à la découverte, en 1965, d’un rayonnement électromagnétique presque aussi vieux que le Big Bang lui-même, ce signal sera plus tard appelé fond diffus cosmologique.


Dès 1930, Georges Lemaître, astrophysicien et prêtre belge, propose le modèle de l'atome primitif comme origine de l’univers. Selon Lemaître, “l’univers aurait commencé dans l’état ou l’énergie totale était concentrée en un seul quantum” (quantum : particule primordiale de la matière). Ces écrits sont les premières ébauches du modèle standard de cosmologie. Ils découlent des précédents travaux de Lemaître, qui cherchaient à caractériser le comportement de l’espace en utilisant la position et le déplacement des galaxies. Ses conclusions décrivent un espace en expansion qui s’élargit avec le temps.


Georges Lemaître, circa 1930 (Source : Wiki Commons)


Ces conclusions reçoivent une forte opposition des partisans de la théorie d'un espace stationnaire. A l’époque, un univers en expansion sous-entend un commencement, une “naissance” qui se rapproche de l’idée d’une intervention divine. Un espace stationnaire était considéré comme un modèle plus rationnel. Pour enterrer le débat, il fallait trouver des preuves d’un Big Bang, des signes observables.



Cette illustration montre de manière simplifiée l'évolution d'une "tranche" d'espace. (Source : Wikicommons)



En 1964, dans le New Jersey, deux physiciens des laboratoires Bell, Arno Penzias et Robert Wilson, construisent une antenne de 6 mètres de haut afin de pouvoir tester la communication des satellites. Malgré leurs précautions, un signal parasite persiste. Difficile de l’éviter car il est émis dans toutes les directions de l’espace (isotrope), quel que soit le jour ou le moment de la journée. 


Tan recto como una regla torcida

Robert Wilson, à gauche, et Arno Penzias l’antenne des Bell Labs à Crawford Hill, N.J.  (Source : Wikicommons)


Ils ne le savent pas encore, mais ce qu’ils considèrent comme un défaut de mesure est en réalité le fond diffus cosmologique (Cosmic Microwave Background ou CMB en anglais), la pièce manquante pour prouver la validité du Big Bang. Il est important de noter que, durant la première moitié du XXe siècle, de nombreux physiciens avaient prédit la découverte de ce rayonnement fossile, issu des premiers instants du Big Bang et qui voyagerait depuis à travers le cosmos.




Le CMB enregistré par Penzias et Wilson émet dans le domaine des micro-ondes. Les ondes électromagnétiques sont divisées en plusieurs domaines, en fonction de leur longueur d’onde. La longueur d’onde correspond à la distance entre deux maxima identiques d’un signal électromagnétique. Pour les micro-ondes, cette distance est comprise entre 2 mm et 30 cm. 



Exemple de deux types d’onde avec leur longueur d’onde (Schéma fait par A. Herrmann)



Il est également possible de calculer la température rayonnante avec la loi de Planck ¹. Les calculs de Wilson et Penzias l’ont mesuré à3.5 K, une valeur qui confirme les prédictions des physiciens partisans du Big Bang. Cette découverte fortuite leur vaudra un Prix Nobel en 1978 !




A la suite d’une rencontre entre les ingénieurs de Bell et deux chercheurs de Princeton, Robert Dicke et James Peebles, deux articles sont publiés dans le même numéro de Astrophysical Journal. Le premier, signé par Penzias et Wilson, décrit la découverte, et le deuxième, signé par Dicke et Peebles, explique le lien entre le fond diffus cosmologique et le Big Bang. 






Mais en réalité, le fond diffus cosmologique naît 380 000 ans après le Big Bang. A cette période, appelée la recombinaison, l’univers s’étend et se refroidit jusqu’à atteindre environ 3000 Kelvin. Dans ces conditions, les électrons, chargés négativement, s’accouplent à des protons, chargés positivement, afin de former de l’hydrogène. 


File:Hydrogèneethélium.png - Wikimedia Commons

Comparaison schématique des atomes d'hydrogène et d'hélium. (Source : Wikimedia Commons)


Avant cette date, la température était trop élevée et déstabilisait sans cesse cette union. L’univers n’était qu’un plasma de particules incapables de rester liées très longtemps. Après la recombinaison, l’univers devient transparent et les photons issus du Big Bang peuvent circuler librement. 


Big Bang Theory, Pixabay, Wikimedia, Teresa Gonzalez


Les photons sont les particules élémentaires d’énergie qui composent les radiations électromagnétiques (rayons X, micro-ondes, lumière...). Afin de se figurer leur double nature onde-corpuscule, on peut comparer le photon à un cylindre. Lorsqu’on l’observe de côté, on voit un rectangle, mais de face, on voit un cercle. 








Ces particules sont capables d'interagir avec un des constituants de la matière : les électrons libres. Lors de la collision entre un électron libre et un photon, un phénomène appelé la diffusion de Compton s’opère. 


La diffusion de Compton (Schéma fait par A. Herrmann)


Or, pendant la recombinaison, des atomes d’hydrogène se forment et les électrons ne sont plus libres. Dans ces conditions, les photons peuvent se mettre à voyager à travers le cosmos sans rebondir d’électron en électron.

A gauche : avant la recombinaison, les photons (jaune) rebondissent sur les électrons (gris). A droite : après la recombinaison, les photons ne peuvent plus interagir avec les électrons qui se sont accouplés aux protons (rouge). (Source: Write Science)


Ce sont ces tout premiers photons, véritables reliques du Big Bang, qui constituent le rayonnement fossile (le surnom du fond diffus cosmologique), ce signal électromagnétique est quasi homogène dans tout l’univers.



Mais le CMB n’est pas seulement un vestige du passé, il a également un rôle fondamental dans notre compréhension du cosmos aujourd’hui. Des chercheurs ont construit le spectre électromagnétique du CMB (cf. ci-dessous) et à ce jour, le CMB présente le spectre électronique le plus proche de celui d’un corps noir parfait. Un corps noir est un objet qui absorbe toutes les radiations électromagnétiques environnantes. Suite à cette absorption, il émet de la chaleur sous la forme d’un rayonnement thermique.




File:Firas spectrum.jpg - Wikimedia Commons

Spectre électromagnétique du fond diffus cosmologique (Source : Wikimedia Commons)


Les avancées technologiques ont permis de fixer avec précision la température du CMB à 2,728 ± 0,002 K. Le fond diffus cosmologique est donc un rayonnement thermique dont le corps noir émettant serait la matière d’origine cosmologique au centre de l’univers. Cette valeur de température, bien plus élevée au moment de la recombinaison, continue de diminuer avec le temps. Dans le futur, on peut s’attendre à ce que le signal du CMB finisse par être confondu dans l’océan de signaux cosmiques.


Les chercheurs se sont intéressés aux infimes variations thermiques (anisotropies) du CMB. Une fois mises en image, ces fluctuations dévoilent la plus vieille carte de l’univers. Un instantané capturé parle flash du rayonnement fossile au moment de sa naissance.


Carte de l’univers primordial capturé par les satellites COBE, WMAP et Planck. (Crédits : Brian Koberlein)





¹   




Source :


1. R. Brandenberger, Formation of Structure in the Universe, 1995


2. C. Caso et al . (Particle Data  Group), The European Physical Journal C3, 1998


3. Dicke, R. H. ; Peebles, P. J. E.Roll, P. G. Wilkinson, D. T., Cosmic Black-Body Radiation, 1965

4. F. Durham, Frame of the universe : a history of physical cosmology, 1983


5. D. J. Fixsen, The temperature of the Cosmic Microwave Background, 2009

6. M. Lachièze-Rey et E. Gunzig, Le Rayonnement cosmologique : Trace de l'Univers primordial, 1995


7. G. Lemaître, La hipotésis de el átomo primitivo, 1930 


8. S. Weinberg, The first three minutes, A modern view of the origins of the Universe,993


9. M. White, Anisotropies in the CMB, 1999

10. https://www.nature.com/articles/d41586-018-05788-5

11. https://lejournal.cnrs.fr/videos/planck-livre-une-nouvelle-carte-de-lunivers

12. https://www.futura-sciences.com/sciences/dossiers/astronomie-rayonnement-fossile-cle-cosmologie-1085/

13. Blue and Brown Milky Way Galaxy, Photo by Miriam Espacio from Pexels


Commentaire ( 0 ) :
16 novembre 2020
Auteurs
Partager
Catégories

Cela pourrait vous intéresser :

S'inscrire à notre newsletter

Nous publions du contenu régulièrement, restez à jour en vous abonnant à notre newsletter.