Je suis allergique, docteur, au secours !

Je suis allergique, docteur, au secours !

Nous sommes de plus en plus nombreux à être allergiques, enfants et adultes. Nos gènes, mais aussi l’environnement et notre cadre de vie, vont influencer leur apparition. Serait-ce la maladie du XXIe siècle ?

 

L’un des maux contemporains avec lequel nous sommes de plus en plus familiers est lié, encore une fois, à une réaction de nos cellules immunitaires. L’OMS (l’Organisation mondiale de la santé) elle-même classe les allergies, qui se manifestent par une hypersensibilité, en quatrième position des maladies dans le monde entier. L’étymologie du mot allergie provient du grec allos : autre et ergon : réaction. Ce terme indique une réaction différente lors d’un second contact avec la même substance par rapport au premier. Les hypersensibilités sont liées à une perte de tolérance vis-à-vis de substances dans l’environnement, qui sont normalement inoffensives, et qui représentent un signal de danger pour le système immunitaire des personnes allergiques.

 

Tout un panel d’allergènes

Un allergène se définit comme étant la substance qui va provoquer une réaction allergique.  Ils sont de nature diverse tels que les pneumallergènes que l’on respire, les trophallergènes que l’on mange, les allergènes transcutanés qui sont au contact de notre peau, les allergènes médicamenteux, les allergènes professionnels, mais également les venins d’insectes et de reptiles.

Parmi les pneumallergènes, également appelés allergènes aériens, on compte les acariens que l’on retrouve partout, les poils d’animaux de compagnie, les pollens, les moisissures, les blattes et également le latex. Cela peut paraître surprenant, mais les blattes et le latex génèrent des protéines aérosol, présentes dans l’air, qui peuvent devenir des allergènes.

Au sein des trophallergènes, on peut citer chez l’enfant le lait, les œufs, les cacahuètes, les fruits à coques et le gluten. Les allergies au lait et aux œufs sont souvent passagères et ne sont pas présentes chez l’adulte. Concernant les allergies alimentaires chez l’adulte, on retrouve les allergies aux fruits, aux légumes, aux mollusques et le gluten. Il faut bien différencier l’allergie par rapport à l’intolérance qui n’est pas la même maladie. L’intolérance au gluten est une maladie intestinale chronique et auto-immune qui se met en place sur plusieurs années alors que l’allergie au gluten est immédiate. Il existe en plus des allergies croisées où un individu sera, par exemple, allergique au pollen et également à un fruit car ils ont un allergène commun.

Figure 1 : L’épreuve des allergènes. (Source : Adapté de Page 15 / Numéro 117 / Allergologie Pratique / Juin 2016)


Les différentes formes d’allergies

Une allergie est un dérèglement du système immunitaire qui correspond à une perte de la tolérance pour des substances a priori inoffensives, les allergènes. Il existe différentes formes d’allergies qui peuvent être généralisées, cutanées (peau) ou respiratoire (poumons).

L’allergie généralisée est le choc anaphylactique qui peut être mortel. Le choc anaphylactique peut être déclenché par l’ingestion d’un aliment ou par une piqûre d’insecte contenant l’allergène. Il va induire en simultané une baisse de la tension artérielle, des gonflements, une gêne respiratoire, des diarrhées, des troubles de la conscience et un syndrome hémorragique.

Les allergies cutanées sont les urticaires allergiques, eczémas ou dermatites. De manière générale, elles se manifestent sous forme de plaques qui provoquent des démangeaisons et qui peuvent être surinfectées.

Les allergies respiratoires, les rhinites et asthme, vont occasionner des gênes respiratoires. Concernant l’asthme, le malade ne pourra plus évacuer l’air présent dans ses poumons. Le rhume des foins est une rhinite allergique. Le malade présentera des conjonctivites (irritations oculaires), ainsi que des obstructions nasales et des éternuements. Il est important de préciser qu’une forme d’allergie n’est pas liée à la forme de l’allergène. Si l’allergie déclenchée est une forme d’asthme, cela ne veut pas forcément dire qu’elle a été provoquée par un allergène aérien. Un allergène alimentaire pourrait tout aussi bien se traduire en asthme.

Figure 2 : Incidence des allergies au cours de la vie. (Source : Adapté de Czarnowicki et al, 2017)




Les facteurs influant sur les allergies

De nombreux facteurs participent au développement des allergies. Un des premiers facteurs est la prédisposition génétique. En effet, l’atopie, c’est-à-dire la capacité de produire des anticorps IgE contre les allergènes, est un phénomène héréditaire. Or la majorité des allergies sont provoquées par la présence d’anticorps IgE. Une étude menée sur l‘allergique à la pénicilline, allergie médicamenteuse, a mis en évidence une différence génétique au niveau de certains gènes impliqués dans l’immunomodulation. Ainsi, chez les personnes ayant une tendance atopique, des variations génétiques ont été découvertes. Certaines touchent les gènes du CMH (voir l’article Les soldats de l'immunité en action) qui est une protéine impliquée dans la réponse immunitaire.

La parité n’existe pas dans les maladies présentant un dérèglement de la fonction immunitaire car celles-ci touchent majoritairement plus les femmes que les hommes. Des expériences in vitro ont montré que la testostérone inhibait le développement de certaines cellules immunitaires impliquées dans la sécrétion de molécules inflammatoires et décrites dans les allergies. Des expériences sur rongeurs ont également montré que les récepteurs aux hormones androgènes, hormones masculines, pourraient jouer un rôle protecteur contre les allergies.

Une autre hypothèse mise en avant pour expliquer l’apparition croissante des allergies est l’hygiène. Le développement de l’hygiène a diminué l’apparition d’infections mais a introduit une faiblesse face aux allergies. Un enfant trop protégé a moins de tolérance face aux allergènes car son système immunitaire n’est pas éduqué. De plus, les enfants nés par césarienne et non par voie naturelle ont tendance à développer des allergies car ils n’ont pas été au contact des bactéries maternelles. Il en va de même si l’enfant est alimenté par du lait en poudre plutôt qu’avec le lait maternel.

Il est important d’apporter une alimentation variée aux enfants pour éduquer les cellules immunitaires. Il existe une forte corrélation entre le microbiote et les allergies. Depuis plusieurs années, l’industrie alimentaire s’est vue formatée pour fournir des produits transformés et pasteurisés. Or les bactéries présentes dans la nourriture vont cohabiter dans nos intestins pour permettre à nos cellules immunitaires de s’éduquer. En retour, une tolérance va s’établir face aux bactéries commensales, qui sont bénéfiques et présentes naturellement dans notre organisme. C’est grâce à ces bactéries que le microbiote intestinal peut se former. Ce dernier est très important car la présence de certaines bactéries permet également la protection contre d’autres pathogènes (voir l’article Les soldats de l'immunité en action).Cette tolérance induit un environnement riche en lymphocytes Treg qui module la réponse immunitaire en la diminuant. C’est pour cela que depuis quelques années, les probiotiques et plus récemment les prébiotiques ont fait leur apparition. On peut les considérer comme des adjuvants qui vont aider à induire une réponse immunitaire (voir article La vaccination : notre garde du corps). Ils favorisent la prolifération du microbiote afin de contrôler l’hypersensibilité en introduisant une tolérance pour moduler la réponse immunitaire. 


Figure 3 : Facteurs impliqués dans l’allergie. (Source : Adapté de Burbank et al 2017)


Le réchauffement climatique provoque l’apparition de certaines espèces d’arbres dans des régions qui étaient inhospitalières auparavant et les saisons polliniques sont plus longues. La pollution atmosphérique participe également aux allergies. Le stress, de plus en plus présent, est aussi impliqué dans les allergies. De nombreux facteurs externes sont capables de modifier l’expression des gènes sans avoir à modifier notre ADN par des mécanismes dit épigénétiques. De ce fait, l’environnement et le mode de vie d’un individu influent énormément sur l’apparition d’allergies. Elles font partie de notre quotidien et le seront pour longtemps.






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4 m
26 octobre 2021
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